La vie est belle

Chapitre 7 : Léo

Léo n'avait jamais eu de difficultés à se faire des amis. C'était sans doute en partie grâce à sa gueule d'ange. Depuis la maternelle, avant même qu'il ne développe une personnalité attractive, les gens avaient l'habitude de venir vers lui comme s'il était un objet de fascination. C'était comme ça. Quand il faisait des bêtises, on le regardait plus avec admiration qu'avec mépris. On rigolait plutôt que de lever les yeux au ciel, en se disant que c'était un petit malin plutôt qu'un enfant encombrant. C'était à la fois dérisoire et flatteur. Le beauty privilege n'était pas un mythe, il l'avait vite compris. Et il ne manquait jamais de s'en servir.

Ainsi, grâce à sa réputation antérieure, il n'avait pas eu de difficultés à se faire des amis. À son grand plaisir, un groupe de garçons l'avait abordé dès le premier cours. Ils avaient l'air un peu idiots, mais au lycée, mieux valait être mal accompagné que seul. Surtout quand on essayait de reconstruire son empire, comme Léo.

Il n'était pas peu fier de débarquer avec son groupe à la soirée de Charlie. Le matin même, elle l'avait regardé avec pitié. Léo n'était pas un objet de pitié ! La pitié était le pire sentiment au monde. Léo percevait cette attitude comme si on considérait qu'il n'était pas assez fort pour s'en sortir. Il n'avait pas besoin que les autres lui renvoient cette image contre laquelle il se battait déjà.

Il allait s'en tirer. La mort de Farah avait laissé un vide béant en lui mais il était déterminé à le combler.

Il observait les gens de sa classe présents à la soirée de Charlie. Honnêtement, il n'y avait pas une grosse ambiance. Chacun était dans son petit groupe et ne paraissait pas avoir envie de se mélanger à autrui.

Charlie paraissait un peu dépassée par la situation. Elle naviguait entre les différents groupes en essayant désespérément de créer du lien entre les gens. Léo se surprit à ressentir de la peine pour elle. Lui aussi, il était nouveau dans cette classe, et même s'il ne l'admettrait jamais, il avait été assez anxieux quant à la rentrée. Heureusement, il arriverait à trouver sa place sans trop de mal, comme toujours : mais Charlie parviendrait-elle à en faire de même ?

Léo décida de la rejoindre ; malheureusement, elle était en train de discuter avec Anastasia et Maëlle. Alors que la première était une influenceuse débile et superficielle, la seconde était une quasi inconnue au bataillon qui était apparemment incapable de se détacher de son unique ami Kosta. Enfin, de ce qu'il avait entendu. Léo n'était pas du genre à creuser trop loin chez les personnes. Néanmoins, il rejoignit le petit trio, son verre à la main, d'un pas confiant et assuré. Il avait envie de parler à Charlie, mais surtout d'attirer son attention. Et quoi de mieux pour attirer l'attention d'une fille que de l'ignorer.

« Kosta n'est pas là ? lança t-il à Maëlle pour faire semblant de s'intéresser à elle. »

Maëlle leva les yeux au ciel et pesta :

« Est-ce qu'on pourrait arrêter deux secondes de m'associer à lui ?
- Oula, du calme. Je ne savais pas que vous ne vous parliez plus. Désolé, mais dans mon esprit, vous ne faîtes qu'une seule et même personne. »

En réalité, dans son esprit, ils ne faisaient rien du tout. Maëlle et Kosta étaient en première l'année dernière et Léo ne les avait jamais remarqués. Simplement, ses nouveaux amis avaient mentionné sur le trajet le glow up de Maëlle depuis « qu'elle ne se traînait plus ce boulet de Kosta ».
Maëlle rebondit sur ce détail.

« Tiens donc, tu as l'air bien informé pour quelqu'un à qui je n'ai jamais adressé la parole. »

Et voilà que Léo passait pour quelqu'un de trop intéressé par la vie des autres, c'est-à-dire quelqu'un d'inintéressant. Surtout, il sentait le regard brûlant de Charlie sur lui et se sentait incapable de répliquer. Ses semaines d'isolement avaient définitivement impacté ses compétences sociales. Comment on flirtait avec les filles, déjà ? Face à son silence, Maëlle sembla se détendre et elle ajouta d'un nouveau ton espiègle :