Chapitre 21 : Charlie

32 9 2
                                    

Charlie s'observait dans le miroir. Cela faisait bien quelques années qu'elle avait appris à accepter son enveloppe physique et avait confiance en elle. Elle savait sublimer ses yeux foncés d'un trait d'eye-liner bleu, souligner son visage bien dessiné avec ses cheveux courts, porter des vêtements qui marquaient ses formes. Elle avait accessoirisé d'un beau piercing doré ce qu'elle détestait le plus, son nez aquilin, afin de le contempler avec fierté et ne plus chercher à le cacher. Bref, cela avait pris du temps, mais elle avait appris à aimer son enveloppe physique pour ce qu'elle était, c'est-à-dire un moyen d'entrer en harmonie avec le monde qui l'entourait. À partir du moment où elle avait commencé à ressentir de la gratitude d'avoir un corps qui fonctionnait normalement et qui lui permettait de goûter pleinement à la vie, elle avait décidé de l'aimer et de s'amuser avec. Quitte à passer une vie dans son corps, autant en faire son allié.

Or, pour la première fois depuis longtemps, elle doutait. Elle doutait de sa valeur, physique comme psychologique. Elle s'apprêtait à faire quelque chose qui sortait drôlement de sa zone de confort : s'ouvrir sur ses sentiments les plus profonds. Depuis sa dernière séance de thérapie, Léo hantait ses pensées. Il y avait quelque chose chez lui qu'elle ne parvenait pas à expliquer mais qui l'attirait terriblement. C'était simple, elle pensait presque tout le temps à lui. Quand elle voyait des couples se tenir la main dans la rue, des amis partir à l'aventure, des inconnus s'embrasser en soirée, elle se disait : et si ça pouvait être nous ?

Charlie s'imaginait beaucoup avec lui. Elle se demandait ce que cela ferait, de l'avoir à ses côtés. Dans ses pensées, tout était naturel et incroyablement doux. Et puis, elle revenait à la réalité, et elle se rappelait l'envie de fuir qui l'avait prise quand il l'avait embrassée. Elle n'arrivait toujours pas à se l'expliquer. Était-ce lié à l'ambivalence de l'attraction entre deux humains ou bien était-ce simplement un signe d'incompatibilité, d'un mauvais pressentiment ?

Cela l'énervait de ne pas avoir le contrôle sur ses sentiments. Elle gérait plutôt bien le reste de sa vie, elle se sentait actrice dans ses choix, ses projets, ses relations. Mais Léo la mettait face à des sentiments inexplorés : l'Amour. Pas l'Amour de l'amitié, même si Charlie le trouvait tout aussi beau. Non, l'Amour d'une personne qui devient une priorité, une obsession, un besoin. L'Amour d'un humain qu'elle connaissait finalement peu mais qu'elle avait l'impression d'avoir côtoyé depuis toujours.

Perdue dans ses réflexions, Charlie n'osait pas sonner chez Léo. Et revoilà ses doutes qui survenaient à nouveau. Une partie d'elle, la pire, lui chuchotait même qu'elle perdait du temps car Léo s'en fichait d'elle et l'avait sûrement déjà oubliée. L'autre partie, plus mesurée, était simplement terrifiée de ses propres sentiments, et non pas de ceux de Léo.

Charlie finit par sonner. Elle retint son souffle. Si ça se trouve, il n'était même pas là.

Elle attendit une bonne minute avant d'entendre du mouvement de l'autre côté de la porte. Des pas lourds se firent entendre et quelques secondes plus tard, Léo lui ouvrait en grand la porte. Lorsqu'il la reconnue, la surprise traversa son visage, mais elle fut vite remplacée par une fausse nonchalance. Charlie ne savait plus où se mettre et commençait déjà à regretter son regain de courage.

« Salut, fit-elle pour essayer de briser la glace.
- Qu'est-ce que tu veux ? lâcha Léo.
- Je... J'aimerais qu'on parle. »

Léo n'avait pas l'air enjoué.

« S'il-te-plaît, ajouta t-elle. »

L'espace d'un instant, Charlie crut qu'il allait la renvoyer chez elle. Mais son visage s'était adouci. Il coula tout de même un regard gêné vers son appartement, et la brune remarqua que c'était un sacré désordre.

La vie est belleWhere stories live. Discover now