Chapitre 16 : Léo

32 9 7
                                    

Aujourd'hui, Léo avait un peu trop bu.

Il s'était levé avec un sentiment de vide intense en lui. Ce dimanche était des journées où il avait l'impression d'être spectateur de sa propre vie. C'était comme s'il assistait à ce qui l'entourait, sans avoir la force d'agir dessus. Il ne se sentait bon à rien et n'était probablement bon à rien.

Dans ces moments-là, il n'essayait pas de se battre. Son cerveau et son corps lui réclamaient une dose d'alcool pour combler la case vide que son addiction avait créée. Sans, il se sentait anxieux, troublé, parcouru de fourmillements. Alors il prenait un verre, parfois deux. Aujourd'hui, il lui en fallu deux pour réussir à se calmer.

Cela faisait deux jours qu'il était resté enfermer chez lui. Il avait été un peu perturbé cette semaine. Maëlle, sa copine, l'évitait depuis la soirée du week-end dernier où ils avaient couché ensemble. Les souvenirs de cette soirée étaient très flous pour Léo. Il se rappelait s'être réveillé quasi inconscient le matin, seul, et avait mis du temps à réaliser ce qu'ils avaient fait. Maëlle avait alors déjà fui. Il ne savait pas quoi en penser puisque ses souvenirs étaient flous. Il avait juste l'impression que sa vie était un énorme brouillard, dernièrement.

La seule activité qui lui apportait un peu de bonheur était les sessions jeux vidéos avec son ami en ligne, un certain Mathéo rencontré sur Twitter. Depuis plusieurs jours, ils jouaient à divers jeux tous les soirs ensemble, rigolaient et se racontaient leur vie. Enfin, Léo avait surtout l'impression de raconter sa vie. Il y avait une étrange asymétrie dans leur relation mais ce n'était pas grave car elle permettait à Léo d'extérioriser et de se sentir moins seul.

Ses amis du lycée commencaient réellement à lui sortir par les yeux. Ils les trouvaient stupides et superficiels. Il n'y avait que lorsqu'ils buvaient tous ensemble en soirée que Léo les appréciait. Sans, il les détestait, presque autant qu'il se détestait lui-même. L'empire Léo qu'il tenait tant à reconstruire avait failli.

Son ancien meilleur ami Matth lui manquait. Il était parti mener une carrière d'acteur à Paris avec sa copine Olenka qui s'était lancée dans le mannequinat. Léo les enviait profondément. Pire que ça, la jalousie lui crevait le cœur. Car, à chaque fois qu'il les voyait, il ne cessait de penser à Farah et de se dire « Ça aurait pu être nous ». Le monde aurait pu leur appartenir. Au lieu de ça, Farah s'était faite renversée par une voiture et avait abandonné Léo. De toute façon, tous ceux qui l'aimaient l'abandonnaient. Farah, et Matth. Les deux personnes auxquelles il tenait le plus l'avaient trahi.

Léo savait au fond de lui qu'il était responsable de la détérioration de sa relation avec Matth. Cet été avait été un véritable carnage relationnel. Il s'était éloigné de toutes les personnes qui avaient essayé de l'aider, notamment Matth et Thylane. Thylane était partie à l'étranger au début de l'été, alors Léo l'avait facilement effacé de sa vie. Matth, lui, était resté à Toulouse un petit moment et avait longtemps tendu la main à Léo. Mais il l'avait tant repoussé que Matth avait fini par abandonner en lui disant des mots qu'il n'oublierait jamais : On ne peut pas sauver quelqu'un qui refuse d'être sauvé.

Mais au fond de lui, Léo ne demandait qu'à être sauvé. Ses signaux maladroits crevaient un besoin d'attention et d'aide. Il avait juste besoin que quelqu'un se batte assez fort pour lui, pour qu'il ait vraiment le sentiment d'en valoir la peine. Mais personne n'allait le sauver. Chacun avait ses propres problèmes à gérer, Léo était donc seul.

Toutes ces pensées le mirent dans un sale état. Il décida donc de sortir acheter du vin au supermarché du coin. Il s'habilla en se cachant sous un gros pull-jogging, car il n'avait pas envie de croiser la moindre personne. Il faisait peine à voir. Le teint blafard et le regard fuyant, il sortit de chez lui d'un pas pressé.

La vie est belleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant