Chapitre 12 : Léo

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« Tu te rappelles notre premier date, il y a une semaine ? »

Léo observait Maëlle alors qu'ils buvaient un verre au bar. Cela faisait quelques jours qu'ils étaient « en couple », et il ne savait pas trop quoi en penser. C'était bizarre, il appréciait la compagnie de Maëlle, mais il ne savait pas trop ce qu'il ressentait pour elle. En tout cas, il ne voulait pas la perdre. Alors il tenta de se remémorer leur premier rendez-vous.

« Évidemment. T'étais bizarre, t'es venue me voir d'un coup dans la cour pour me demander qu'on aille boire un verre, juste tous les deux, car je cite, « pourquoi pas ». Tu aurais pu trouver plus attractif, comme raison, rigola Léo. »

Maëlle eut un rire nerveux.

« Ouais, c'était l'adrénaline. »

Elle se mura dans le silence.

« Tu recommences à être bizarre, fit Léo.
- Désolée ! C'est juste que je réfléchis... Hé, n'empêche, j'étais bizarre au premier date, et t'as quand même fini par m'embrasser. Toi aussi, t'es bizarre. »

En effet, il avait fini par l'embrasser. Après avoir descendu trois pintes, Léo ne prêtait plus vraiment attention aux détails. Il avait regardé Maëlle, l'avait trouvé jolie, et s'était dit que ce serait sympa, de l'embrasser. Il n'avait pas pensé aux conséquences : car le soir même, Maëlle lui demandait si il voulait être son petit ami. Léo n'avait jamais reçu de demande si solennelle. Il avait hésité, sur le moment. Il n'était pas sûr de ce qu'il ressentait pour Maëlle. Mais pour autant, il sentait qu'il avait besoin de sa présence, alors il avait dit oui.

Et les voilà à boire des verres tous les soirs après les cours comme seule activité de couple. Bon, ce n'était pas pour lui déplaire.

« N'empêche, reprit Maëlle comme si elle lisait dans ses pensées. Une semaine est passée et nous sommes toujours au bar, à la même table, comme tous les soirs depuis. Et si on faisait autre chose ? »

Léo haussa un sourcil. Apparement, boire ensemble ne suffisait pas à Maëlle. Dommage. Il soupira.

« Comme quoi ?
- Bah, je sais pas... On pourrait... Aller au ciné ? »

Léo eut un rire dédaigneux. Au cinéma, sérieusement ? Quel âge avaient-ils, quatorze ans ? Il n'avait pas envie d'aller regarder un film. Qu'est-ce que ça lui apporterait ? Maëlle fronça les sourcils, vexée par sa réaction.

« Avec Kosta, on allait toujours voir un film par semaine. C'était notre rituel : ciné-resto.
- Oh, mais puisque avec Kosta c'était si parfait, pourquoi tu ne retournerais pas avec lui ? rétorqua Léo en imitant cruellement sa voix enfantine.
- Je ne dis pas ça pour ça... C'est juste que j'ai envie de vivre des trucs différents, quoi. Pas juste aller boire au bar comme des ivrognes. »

Léo tiqua sur le mot « ivrogne ». Il s'était longtemps persuadé que c'était tout ce qu'il était, un ivrogne irresponsable. Il lui avait fallu du temps pour arrêter de s'infliger mentalement cette insulte et se dire que même si cela faisait partie de lui, il valait mieux que ça. Et voilà que Maëlle lui balançait ça innocemment en pleine face.

Il eut comme un déclic. Cette relation n'avait aucun sens. Maëlle aspirait à une relation romantique ponctuée de dîner à la belle étoile, d'aventures, de ciné, de sortie à la plage. Et lui, à quoi il aspirait ? Il avait juste besoin d'une compagnie féminine qui l'aidait à se sentir mieux.

« Je suis pas sûr que ça va marcher, entre nous, lâcha t-il, presque à contrecœur.
- Quoi ?! paniqua soudain Maëlle. Non, attends, tu m'as mal comprise. Je ne voulais pas en arriver là... Je disais ça sans réfléchir. J'adore aller au bar, en plus. »

Elle transpirait la détresse et Léo la trouva soudain bien moins attirante. Pourquoi s'accrochait-elle à lui comme ça ? Il n'avait rien fait de spécial. Il n'était qu'un ivrogne, comme elle disait.
Elle n'était pas nette du tout. Elle lui faisait même un peu peur.

Maëlle recommença tout un discours que Léo n'écoutait même pas. Ses pensées divaguaient ailleurs. Le cœur lourd, il repensa à Farah. Avec Farah, tout était si simple. Leur alchimie était naturelle, ils n'avaient besoin que d'un rien pour passer de bons moments ensemble. Ils ne se seraient jamais disputés au bout d'une semaine de relation pour ce genre de broutilles. Retrouverait-il un jour quelqu'un comme elle ? En regardant Maëlle en face de lui, il eut bien des doutes.

Celle-ci avait fini sa tirade et semblait attendre une réponse. Léo se passa la main sur le front. Il avait la certitude que les substances psychoactives dont il avait abusé ces derniers mois lui avaient bousillé le cerveau. Il se déconcentrait en un rien de temps et avait d'horribles trous de mémoire.

Maëlle répéta :

« Je t'apprécie Léo, et je ne veux pas te perdre. Laisse-nous une chance. »

Léo ne comprenait rien à cette fille. Leur relation n'avait ni queue ni tête. Certes, ils rigolaient bien des fois, mais bon sang, il manquait un truc ! Une étincelle, quelque chose qui lui donne envie de la serrer dans ses bras sans raison. Comment pouvait-elle se contenter de ça ? Ses yeux bleus l'imploraient de ne pas la laisser.

Léo se sentait tiraillé. La solution la plus sage serait définitivement de lui dire qu'ils feraient mieux de continuer leur chemin séparément et qu'ils n'étaient pas faits pour être ensemble. Et en même temps... Léo angoissait à l'idée de se retrouver seul. Quand il s'isolait, Maëlle était constamment là pour lui et lui rappelait qu'il était aimé. Il ne se sentait pas prêt à être seul. Il avait besoin de cet amour nouveau que Maëlle lui apportait, peu importe sa forme.

« Ok, lâcha t-il un peu brutalement. Bon, viens, on va aller faire les courses pour la soirée ce soir. Je vais aller payer, on se rejoint dehors. »

Maëlle soupira de soulagement. Elle se leva et l'embrassa, alors que Léo espérait désespérément sentir quelque chose. Mais ses émotions ne dépassèrent pas une vague chaleur de réconfort. Parfois, il avait le sentiment qu'il ne serait plus jamais capable d'aimer qui que ce soit. Que ce soit les autres ou lui-même.

La vie est belleWhere stories live. Discover now