Crisis - T1 : La quête des Héritiers [Terminé]

Epilogue

Black Wall, 23 : 10

Deux jours s'étaient écoulés depuis le grand départ des Héritiers pour Zarif. La vie reprenait son cours sans la peur de l'épidémie, durant les quatre cents prochaines années.

Loctus se tenait au rebord de la fenêtre de son donjon, donnant sur le panorama du port. Elle observait la ville d'un regard absent, pendant que des pensées sinueuses dansaient dans sa tête.

Elle devrait se trouver en bas, à bourlinguer en compagnie d'Ahsan, Néhémia et le conseiller Bontemps. Toutefois, la joie n'était pas au rendez-vous. Quelque chose l'inquiétait, la rendait nerveuse depuis son réveil matinal. Et ne pas pouvoir mettre la main sur son origine la frustrait.

La Drënienne était perdue dans ses songes lorsqu'une étrange sensation l'horripila ; signe annonciateur d'un danger. Au cœur même de la pièce. Avec méfiance, elle délaissa la vue panoramique de la fenêtre et se tourna vers l'intérieur de son bureau.

Ses muscles se contractèrent devant l'auteur de cette atmosphère glaciale.

— Toi... glissa-t-elle, d'un ton aussi sombre que l'était son expression faciale.

Il n'avait pas fallu longtemps à Loctus pour reconnaître l'individu, surnommé l'Ombre de la Mort : la terreur d'Allevard, au même degré de menace que les Corrompus. À la différence que ses objectifs, à lui, demeuraient brumeux pour tous. Ce qui le rendait davantage dangereux. Une brise fraîche, aussi froide que l'était son aura, semblait toujours l'envelopper.

À l'instar de tous, l'apparence juvénile du Warloïte surprenait la Drënienne, mais elle se retenait de le montrer. La prudence restait le meilleur allié face à ce genre d'adversaires insondables.

Autant ne pas tenter quoi que ce soit pour l'instant.

Loctus écarta l'usage de son sabre, fixé à sa ceinture.

— Es-tu ici pour me tuer ?

Les coudes appuyés sur les accotoirs de son siège, l'attention de Chaka resta rivée sur un tableau d'art, accroché à l'arrière du bureau de la pirate. Ses mains étaient croisées à proximité de sa bouche. Sa voix modulée, d'un timbre naturel bas, résonna à son tour.

— Vous n'auriez jamais eu le temps d'y songer si c'était le cas.

Les muscles de Loctus se détendirent légèrement. Cependant, il n'était pas question de baisser sa garde.

Le prince orienta, avec une lenteur gracieuse, son visage flegmatique dans sa direction.

— Me feriez-vous l'honneur de prendre place ? Nous avons à parler.

Sans un mot, la seigneuresse quitta le coin de la fenêtre, contourna le bureau et s'installa. Ainsi, elle fit front à son invité inattendu.

Un silence de mort s'immisça dans la pièce pendant un long moment. Les minutes s'écoulèrent tandis qu'ils se dévisageaient d'un œil scrutateur.

Le regard placide du jeune homme déroutait la pirate qui se sentait mise à nu. Les mains jointes sur la table, ses yeux écarlates le détaillaient, en même temps qu'un flux de données abondait dans sa tête, quant à son identité. L'évidence fit briller ses iris, à présent qu'elle se trouvait nez à nez devant l'Ombre de la Mort.

— Je m'étais toujours demandée qui pouvait bien se cacher derrière l'identité de l'Ombre de la Mort. Qui pouvait faire trembler les plus grands forbans et coupe-jarrets de Drën-Warnoff et Krâ-Surnoff, à lui tout seul. Mais maintenant que tu te tiens devant moi, après avoir été témoin de la force de ces deux Warloïtes, la question ne se pose plus : qui d'autre serait assez puissant pour un tel exploit... si ce n'est l'un d'entre eux. Un Héritier. J'oserai même dire, le plus puissant d'entre eux.