Chapitre 18 : L'aube d'une aventure

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Black Wall, forteresse de Loctus, 22 : 01

Les Héritiers siégeaient au-devant du bureau de la seigneuresse, sur une suite de deux chaises à châssis d'un bleu pastel. Néhémia se tenait à la droite de son capitaine calée dans son fauteuil.

Loctus, de son véritable nom Lorianna Hildebrandt Aenias, étudiait du regard ses invités. Le contour noir autour de ses yeux accentuait l'éclat de ses pupilles écarlates. Des tatouages à l'encre étaient visibles sur son faciès allongé. Parmi lesquels figuraient trois points, logés au coin de ses yeux, et une tête de mort à la face droite de son cou. Deux flèches pointées vers le haut surmontaient son menton.

L'espace d'un moment écoulé, la rousse mit fin au silence.

— Nom d'un kraken enragé ! Si quelqu'un m'avait dit que je rencontrerais l'un des vôtres de mon vivant, je l'aurais envoyé valser. Même si, soyons honnête, bon nombre d'Allevardiens espèrent avoir cette chance un jour.

— C'est toujours un plaisir d'entendre des éloges sur nos ancêtres, confia Hazo, le sourire aux lèvres.

— Ça va de soi, soutint leur hôte. Leurs légendes sont répandues sur tout le continent.

Au cours des millénaires, la bravoure et le sens du sacrifice des Tchivas leur avaient valu des apothéoses, au nom de l'Alliance et des Allevardiens.

Sur le visage de Loctus se dessina un sourire radieux.

— Merci de bien vouloir nous venir en aide. Au nom de mon peuple, nous vous en serons éternellement redevables.

Les Héritiers ratifièrent cette promesse d'un signe de tête. Sans tarder, ils lui firent part de leur requête au sujet du mont Morith, en plus de leur désir de rester anonymes auprès de la population.

La Drënienne avait prêté l'oreille au moindre de leurs mots.

— Une question me turlupine. Dans quel but souhaitez-vous vous rendre au volcan ? À moins qu'il ne s'agisse d'une information confidentielle. Si c'est le cas, je ne vous demanderais pas d'enfreindre vos préceptes.

— Pour l'instant, nous aimerions ne pas en divulguer davantage, de peur d'apporter de faux espoirs, préconisa l'armurier en toute sincérité.

Les iris de Loctus miroitèrent subitement d'excitation.

— Cette affaire est très intrigante et j'en suis comblée. Même sans nous offrir votre aide, rien qu'en sachant qui vous êtes, je vous aurais accordé ma permission.

— Merci ! s'exclamèrent les Warloïtes.

Khé-Khé prit part à la discussion, une manière de faire abstraction aux maux qui l'assaillaient.

— Pourriez-vous nous parler de l'épidémie qui touche les vôtres ? Nous avons eu quelques informations de Néhémia, mais nous aimerions en apprendre un peu plus.

La pirate s'accouda aux accotoirs du fauteuil. Sur ses mains entrelacées étaient tatouées des lettres à chaque phalange proximale. Celles-ci formaient intégralement le mot Maelström, le nom de son galion. Diverses bagues noires agrémentaient ses doigts.

— Comme Néhémia vous l'a sans doute raconté, une épidémie frappe Drën-Warnoff depuis un an maintenant. Elle est fortement répandue dans les bidonvilles et dans les régions voisines de la capitale. Chaque jour qui passe, elle décime des Drëniens sans que nous ne puissions faire grand-chose.

Loctus entraperçut un voile de scepticisme dans le regard des Héritiers. Un doux ricanement s'échappa de ses cordes vocales.

— Je sais ce que vous pensez. Et je peux le comprendre. Il n'est caché de personne que le cadre de Drën-Warnoff n'est pas des plus paradisiaque et enviable, que la nuée ardente suspendue sur nos têtes n'est pas très réconfortante et que notre mode de vie n'est pas des plus sain. Quoi qu'il en soit, ce bordel, c'est chez nous ! Et je peux vous garantir que cette épidémie n'a rien de naturel ou d'habituel.

Ses traits se durcirent pour marquer ses prochains propos.

— Quelque chose l'a déclenchée.

— J'en suis moi-même convaincu, soutint Néhémia, debout à ses côtés.

— Je vois, dit Khé-Khé d'une mine songeuse. Est-ce qu'elle s'est manifestée en dehors des frontières de Drën-Warnoff ?

— D'après les rapports quotidiens de mes agents, non. Mais ma plus grande peur serait qu'elle prenne de l'ampleur et qu'elle se répande vers d'autres nations, dont celles de la Confrérie.

Hazo saisit cette occasion pour formuler la question ambiguë.

— Si ce n'est pas trop indiscret... Pourquoi refuser de faire appel à l'Alliance ?

Un lourd silence s'installa dans la pièce. Les Warloïtes étaient curieux de connaître la vérité cachée derrière cette troublante décision, tout comme Néhémia.

Loctus poussa un long soupir. Son regard évasif fixait son meuble de bureau durant un instant, avant de revenir sur les Warloïtes.

— Je promets de vous le dire, dès demain. Vous avez ma parole, s'engagea-t-elle d'un ton empreint de morosité.

Le duo acquiesça avec complaisance.

— Sinon, qu'advient-il des bidonvilles ? se renseigna Hazo.

— Étant donné qu'il s'agit de l'antre des contaminés, la Zone Zéro est interdite d'accès jusqu'à nouvel ordre, expliqua la Drënienne. Elle est placée en quarantaine, en attendant une éventuelle solution. Des hommes sont postés à chaque entrée donnant accès à la zone.

— À l'heure actuelle, un soignant venu d'une région voisine s'y trouve, renchérit Néhémia. Il tente du mieux qu'il peut de venir en aide aux infectés.

— Mmh, glissa Khé-Khé comme réponse laconique.

Cet amas d'informations lui donnait de quoi se triturer les méninges.

— Merci pour ces éclaircissements, ils nous seront très utiles.

Loctus lui adressa un sourire aimable.

— Tu m'en vois ravie, hum...

— Doc, vous pouvez m'appeler Doc.

— Et moi, Haz, ajouta son voisin.

— Quant à moi, Loctus. Vous devez être épuisés par votre voyage. Permettez-moi de vous offrir un lieu de repos dans mon fort et de quoi vous remplir l'estomac.

— Merci à vous pour l'invitation, la remercia Hazo, en espérant ne pas trop vous déranger.

La femme haussa un sourcil.

— Si vous me dérangez ?

Loctus égaya la pièce de son rire déplacé, la tête balancée à la renverse et ses mains cramponnées à son ventre. Les Héritiers ne pouvaient que regarder avec des yeux grands ouverts.

— Par la fiente de corbeaux ! J'aurais été prête à vous léguer la forteresse si tu me le demandais. Votre simple présence ici est la chose la plus palpitante qui manquait à ma piètre existence actuelle. Et laissons ces vouvoiements ennuyeux, voulez-vous ?

— Entendu ! consentirent ses invités.

— Mon conseiller s'occupera de vous conduire dans vos quartiers. Mangez et reposez-vous. Prenez autant de jours qu'il vous faudra pour vous familiariser avec les conditions de vie du port, gloussa-t-elle. Sur ce, je n'ai plus qu'une dernière chose à vous souhaiter : Bienvenue à Black Wall !

Crisis - T1 : La quête des Héritiers [Terminé]Nơi câu chuyện tồn tại. Hãy khám phá bây giờ