| Chapitre 5 |

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À travers les volets mi-clos de cette chambre d'hôtel, le soleil possède tout en douceur le ciel bleu à mesure que l'heure sur le réveil continue d'avancer. La fatigue me tiraille sans remords, conscient de la longue soirée que je viens de passer. Le clan Aleksander m'aura tenu compagnie plus longtemps que prévu dans le vain espoir de me convaincre d'entrer dans leur rang après m'avoir exposé tout ce qu'ils savaient sur le retour de ma fausse personne. Ce qui est tout sauf surprenant en soi. Il n'y a rien de plus frustrant que de tout expliquer pour obtenir un simple : « non, merci. Je passe mon tour ».

Aucun n'avait l'intention de me laisser repartir juste comme ça, encore moins la jolie blonde. User d'une ruse aussi vieille que le monde n'a pas été difficile de ce fait. Un passage aux toilettes et je n'étais plus là, emportant avec moi la majorité des informations qu'Akram avait réussi à dénicher. De toute façon, ces indications ne leur seront pas utiles. À part courir derrière un leurre, ils ne feront que perdre du temps dans leur quête suicidaire. Celui qui en a le plus besoin, ici, c'est moi. Bien que ça ne me concerne plus seulement, ça, je n'ai pu que le comprendre.

Je dois faire disparaître ce faux Apollyon de la nature. Pour ma sécurité, pour ceux qui ont l'espoir de le retrouver. J'ai écouté pendant des heures Cora parler d'Aleksander comme d'un Dieu. Tous ces faux éloges, toutes ces idées stupides et utopiques : c'était une pure agonie que d'entendre toutes ces merdes. Un jour, quand elle comprendra, elle, comme plusieurs autres, tombera de haut. La chute en sera douloureuse, marquante. Et je lui souhaite sincèrement. Ça vaut mieux que d'alimenter perpétuellement cette folie, de courir après un rêve illusoire. Derrière un homme torturé qui n'est plus là.

« Il est incroyable. J'aimerais un jour pouvoir le rencontrer. Ce n'est pas la première histoire que j'entends sur lui, sur le fait qu'il a sauvé telle ou telle famille. »

Je soupire longuement et passe une main dans mes cheveux courts devant ces mots qui me sont restés en travers de la gorge. Je n'ai sauvé personne, ni des inconnus ni moi-même. Me rencontrer serait plus un rapprochement avec l'enfer que le paradis. Une véritable malédiction.

Je plisse mes paupières afin de rester concentrer sur mes observations ainsi que sur mes réflexions, m'ébrouant pour épurer mon esprit.

« Et nous le rencontrerons ! Je n'ai pas fait toutes ces recherches pour rien. On lui doit tous des remerciements. On doit lui montrer comment nous, le monde de la Nuit, sommes reconnaissants pour tout ce qu'il a fait. »

Devant le lit où j'ai disposé tous les documents volés, je râle de mécontentement et me frictionne le visage. Ce n'est pas le moment de divaguer, je n'ai vraiment pas le temps pour ça. J'ai bien trop de choses à faire, aujourd'hui. Et je dois mettre à tout prix de la distance entre Red Moon et moi parce que s'ils sont là, l'autre con le sera forcément aussi. Et ce n'est pas envisageable.

Ce jour-là marquera néanmoins la fin de ma liste. Celle que je ne pourrai jamais finir, en réalité. Mais ça n'a pas d'importance, ça n'en a plus tant que je me suis occupé de ceux qui ont apporté le début de la fin de ma meute. Ceux envers qui j'ai bêtement tout offert sur un plateau-repas digne des plus grands seigneurs.

Ensuite, je pourrai enfin essayer de passer à autre chose. Bien que je sais pertinemment que ça me hantera à jamais, que ça ne sera jamais le cas. Pour moi, il n'y a aucune guérison possible. Aucun retour en arrière.

« Son nom en a sauvé plus d'un et, pour d'autres, ils ont une histoire assez similaire à celle de Cora : il les a indirectement sortis d'un mauvais pas. »

Je grimace franchement. Je me détourne et pars dans la salle de bain de cet hôtel cinq-étoiles. Cette fois-ci, je n'ai pas lésiné sur le prix et le confort. Rien de mieux qu'un bon repas avant de partir à la chasse. L'eau du robinet orientée sur la température froide, je m'asperge le visage pour me réveiller et me reprendre. Vigoureusement, je frotte ma peau pour chasser ces pensées parasites. Je n'ai sauvé personne. Aucune famille, aucune meute, clan, troupe, volée. Rien, absolument rien de tout ça.

Cœur Obscur [Tome 2]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant