Cœur Obscur [Tome 2]

| Chapitre 11 |

Non, du tout, Dame McKenna.

Je suis tout sauf en train de vous espionner.

Ben voyons.

Je grimace et expire silencieusement. Accroupi derrière des haies suffisamment grandes pour me mettre debout sans être vu, je me contente de cette position et me fonds dans l'obscurité que m'offrent ces plantes. Contre le vent, je suis sans un bruit le couple au travers de ce jardin plus grand que je ne l'aurais cru de prime abord. Autant j'aime les commérages, autant la mission « j'inspecte votre haie pour être sûr que vos jardiniers font bien leur taffe » mérite un zéro. Voire un petit trois, les chatouilles sont agréables. Moins pour mon beau costume, cependant.

En plus de cela, la discussion entre les deux créatures de la nuit est tout ce qu'il y a de plus banale et ennuyeuse. Comment cet imbécile arrive-t-il à séduire s'il ne parle que de la pluie et du beau temps ? Sincèrement, j'avais mis bien plus d'espoir dans ma faculté à charmer que ça. Ma déception est immense, plus en sachant qu'il est face à la grande prêtresse vampire. Grande prêtresse qui, visiblement, n'a rien de pétillant non plus. En cette foutue soirée, je me noie de chagrin. Déçu, très déçu. C'était bien plus intéressant lorsque nous discutions, elle et moi.

Ennuyé, je m'autorise un coup d'œil dans leur direction au détour de ma protection dans l'espoir de voir un peu plus de peps. Plus que cette fadeur presque mortelle.

Allez mon grand !

Tu peux le faire, je crois en toi.

— Dites-moi, Aleksander, qui sera votre prochaine cible ? interroge naturellement McKenna.

L'intérêt soudain éveillé, je tends l'oreille. J'ai peut-être parlé trop vite pour la merveilleuse McKenna. L'inverse aurait été étonnant. Pour côtoyer mon imposteur, elle doit obligatoirement avoir des projets derrière la tête.

À quoi bon, auquel cas, perdre de son précieux temps ? Pour ses prouesses au lit ? Allons, elle peut avoir qui elle veut.

Il y a quelque chose de plus.

Forcément.

— J'ai entendu dire qu'il y avait un groupe de chasseurs qui sévissait au Nord de la ville. Je compte m'en occuper le week-end prochain.

Elle tourne la tête vers lui, ses boucles suivant son mouvement. Elle glousse, un sourcil levé.

— Ce petit groupe ? Il me semble avoir entendu qu'ils n'étaient pas plus de cinq.

— En effet, ce sera réglé en moins d'une heure.

La jolie brune s'arrête devant une statue d'une nymphe nue. Mon mini moi fait de même et pivote vers elle, la scannant en silence. Les bras de cette ravissante représentation tiennent, en leur creux, un vase ancien. De l'eau s'y échappe dans un doux son reposant, et des nénuphars flottent paresseusement sur cette surface claire. Comme j'aurais aimé l'être en cet instant, il n'y a pas à dire.

De mon côté, je reste toutefois caché, bien plus concentré que je ne l'étais au début de cette filature. Mon attention revient assez vite sur le couple.

Je ne veux rien louper.

Rien.

— Vous voilà de retour depuis plusieurs semaines... mais vous ne vous êtes toujours pas attaqué à un groupe plus important. Aurait-il un problème que vous n'osez mentionner ?

— Que voulez-vous dire ?

— Le monde de la Nuit connaît dans les grandes lignes votre dernière bataille grâce à la prophétesse, Hestia. Tout comme vos anciennes prouesses qu'on chantait les familles que vous avez indirectement et consciemment sauvées.