| Chapitre 14 |

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La fraîcheur de la nuit semble inefficace contre le feu incandescent où mon corps, mon âme, plonge de tout son être. Ma tête n'est plus que bourdonnement, mon souffle ne parvient plus à conserver un rythme régulier et mes jambes peinent à soutenir mon poids à mesure que je tente d'avancer. Il devient de plus en plus lourd, de plus en plus insoutenable. Mon loup, aussi sûrement que je le suis en cet instant, est perdu et rendu faible par les sensations nouvelles que nous éprouvons. Face à elles, nous ne pouvons rien faire d'autre qu'en être soumis. Elles ne sont pas ce que nous avons l'habitude de ressentir. Bordel...

Ma main me soutient plus que mes jambes, en appuie sur la bordure des portes d'entrées. Vagabond et sombre, mon regard aperçoit furtivement Carl dans un bref soulagement. Après son départ spectaculaire de la salle de réception, il a l'air de nous attendre dans l'ombre d'un arbre.

Ma bouche sèche s'ouvre dans l'espoir d'appeler son prénom et de me faire entendre.

J'ai encore besoin de toi...

Comme toujours.

— C-Carl...

Mais ma voix paraît inaudible, sans force.

Un élancement vif au niveau de ma gorge me lance et me vole un râle de souffrance et de frustration mêlés. Je trébuche sur les quelques marches restantes et tombe douloureusement à genoux. En sueur, je porte une main tremblante vers la morsure de McKenna et la survole de mon index et de mon majeur. Ce simple effleurement provoque une montée de plaisir brusque et parsème ma peau de tant de frissons que j'en reste bouche bée, me surprenant au passage et coupant toute respiration sur le coup. Sans attendre, j'abaisse le bras, presque honteux de cette réaction.

Fiévreux, je ferme les paupières et presse mon dos contre le mur de la bâtisse. Néanmoins, avant même que mon corps ne s'effondre sur cette courte étendue d'herbes, deux mains fermes me saisissent et me relèvent. Dans un réflexe stupide et inutile dans cet état, je tente mollement de me débattre.

La peur n'attend pas pour éclore au creux de mon ventre. Je suis incapable de crier. Incapable de me défendre. Incapable de faire le moindre geste réel. Impuissant comme autrefois.

Et mon loup n'est pas là pour prendre le relais.

Il ne le peut, lui aussi.

— Chut. Doucement, je suis là. Ce n'est que moi, s'amène une voix naturellement autoritaire.

À cette intonation, mon corps se fait plus mou qu'il ne l'est déjà et abandonne toute éventuelle défense. La peur, elle, est muselée par mon loup à son contact.

Je retombe contre lui, tout simplement.

Lincoln...

— C'est Lincoln, précise l'alpha de Neptune.

— Il n'est pas bien, grimace Carl, soucieux.

En douceur, mon dos retourne contre le mur de la bâtisse tout en restant bloqué contre Lincoln. L'un de ses genoux s'infiltre entre mes jambes afin de me maintenir dans cette position. Puis l'une de ses mains chaudes soulève mon menton pour m'observer.

Deux prunelles onyx appellent mon regard. Avec l'impression d'être dans une autre dimension que la leur, je le fixe sans rien dire. Sans chercher à réduire la proximité entre nous, à remettre de la distance comme je l'aurais fait habituellement. Mais pas cette fois. Au contraire, je me gorge de son odeur épicée et de ces maudits fruits rouges dont je raffole. Tout en espérant qu'il se rapproche un peu plus encore.

Son attention se baisse furtivement sur mon entrejambe que je sens active, bien malgré moi. Ses sourcils se froncent puis, la seconde suivante, il me pousse à ouvrir plus grand les yeux avant de dégager ma chemise d'un geste sec afin de voir la marque.

Cœur Obscur [Tome 2]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant