| Chapitre 17 |

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Mon regard s'attarde sur la bâtisse, et plus exactement sur la porte violette que j'ai déjà franchie il y a seulement quelque temps. Si ce soir-là ce bon vieux John n'avait pas attiré mon attention, je n'aurais pas su où trouver le clan des têtes à claques. Tout comme je n'aurais pas non plus su que quelqu'un de suffisamment stupide était en train de jouer en mon nom. Et sans eux qui plus est, la trace de mon gentil et adorable usurpateur m'aurait facilement filé entre les doigts. Le temps que j'aurais perdu à le rechercher m'aurait coûté, indéniablement. Si les Hayes viennent réellement à moi, pour m'y préparer, je n'ai d'autre choix que de les ralentir. Je ne perdrai pas la vie sans me battre de toute mon âme.

Un jour entier s'est écoulé et aucune vidéo n'a bousculé le monde de la Nuit, annonçant la triste nouvelle que le bel Aleksander n'est en réalité jamais apparu et que tout n'était que mensonge. Mais il faut croire que mon cher mini moi se plaît bien trop dans son rôle et ne souhaite pas l'abandonner pour le moment en dépit de la menace latente au-dessus de sa petite tête. Le luxe, la célébrité et le sexe ont dû bien trop être à son goût. Malheureusement pour lui, je ne laisse jamais une deuxième chance se produire. Mon âme est déjà souillée, ce n'est donc pas une personne de plus sur mon tableau qui va m'arrêter.

Le regard ferme et déterminé, je coupe le moteur de Suzie, garée un peu plus loin de la maison par mesure de sécurité. Sans un regard sur le côté passager où Lincoln s'est installé, je me détache et descends de la voiture.

Cette fois, mon cœur, tu vas m'obéir.

Dépourvu de la moindre hésitation, je passe le portique une fois que j'ai traversé la route et les marches conduisant à l'entrée. Je frappe fermement, laissant le son emplir les lieux silencieux.

Lincoln s'extirpe du siège et se décide à me rejoindre en toute tranquillité tandis qu'il ferme son long manteau.

— Je ne perçois aucune odeur et je n'entends aucun son, commente-t-il à ma hauteur. Tes petits copains m'ont tous l'air d'avoir déserté.

Je ne lui prête pas un seul regard et refuse obstinément de lui adresser même ne serait-ce qu'un mot. Pas après qu'il nous a entendus, Isaac et moi. Pas en sachant qu'il est désormais dans la confidence, l'une des seules personnes que j'aurais aimées qu'elles n'en sachent jamais rien. Le dégoût, la surprise de voir ce que je suis réellement et la vision, brute et à nu de ma personne entièrement tachée de sang, sont révélés au grand jour. Le fait que mes mains y baignent depuis tout ce temps ne loupe pas, lui non plus. Je ne veux pas avoir à affronter ça, certainement pas avec lui. Plus que tout.

Je m'écarte sensiblement, puis je balance mon pied contre cette putain de porte. Le battant frappe bruyamment contre le mur, nous débloquant ainsi le chemin. Je ne perds pas plus de temps et j'envahis les lieux.

Le métamorphe esquisse un sourire satisfait.

— J'adore quand tu es comme ça, ronronne-t-il. Ça m'excite.

— La ferme.

Il ne s'offusque pas de ce tout premier mot après quelques heures de conduite. Il se contente simplement d'en rire.

Je ne prends pas la peine d'aller dans le salon, ou encore dans les chambres à disposition. Non, je me dirige directement verrs la porte du bureau. Ici, bordel, il n'y a que Lincoln et moi. Et cette constatation me fout les nerfs.

Les odeurs sont bien trop faibles pour me dire que leur départ est récent. Au contraire, ils ont dû remballer leurs affaires dès qu'ils ont mis la main sur ce mini moi. Et cela m'est rapidement confirmé une fois au milieu de ladite pièce autrefois couverte de divers articles, post-it et cartes de mon parcours. Il n'y a plus rien. Rien.

Cœur Obscur [Tome 2]Where stories live. Discover now