Chapitre 25

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Je l'ai relevé pour le serrer dans mes bras. Même si on venait de se prendre la tête, je ne voulais pas le voir dans cet état.
Je ne savais plus quoi faire, je ne contrôlais plus rien.

- Je ne veux pas me retrouver seul...
- Je serai toujours là, quoi qu'il arrive. Ne pas vivre sous le même toit ne changera rien.
- J'ai tellement peur.
- Tout ira bien, je te le promets. Tu n'es pas seul. Pour commencer d'ailleurs, tu devrais accepter de parler à papa.
- Parce qu'il m'a déposé des fleurs à l'hôpital ? Je ne suis pas si idiot, je sais que c'est lui.
- Ecoute ce qu'il a dire au moins, laisse lui une chance.
- Il est obligé de passer par toi ?
- Tu ne veux pas répondre à ses appels, il est désespéré. Il est venu, le jour où Li a vendu son premier dessin, mais tu n'étais pas là.
- Il n'a rien dit ?
- Bien sûr que si. Il a dit que tu lui manquais, qu'il n'avait jamais voulu que ça se passe comme ça, et qu'il t'aimait.
- Je ne parlais pas de moi. Il n'a rien dit a propos de Li ?
- Tu veux vraiment en remettre une couche ?
- Désolé...
- Il l'a accepté bien plus facilement que toi, pose toi les bonnes questions.
- Sérieux ?
- Ce n'est pas le sujet. Ça te ferait du bien de lui parler. Décroche ton téléphone au moins une fois, écoute le.

Il n'a pas répondu, mais j'étais sûr qu'il y pensait. Il n'était pas au top de sa forme à ce moment là. Entre ses problèmes de jeune adulte qui se découvre, sa relation avec nos parents, et cette histoire avec Li, le vase débordait.
Il devait régler certaines choses pour avancer. Je pouvais l'aider, mais pas s'il refusait de m'écouter.

- Je serai là pour t'aider, tout s'arrangera. Pour ce qui est de Sten, je te demande de me faire confiance. Ce n'est pas facile pour toi, je le sais, mais c'est la réalité. Si j'avais douté ne serait-ce qu'une seconde je ne t'aurais rien dit. C'est pourtant la vérité. Alors je t'en supplie, ne bouscule plus Li. Il encaisse depuis des années et a vécu ce que je ne souhaite à personne. Il n'y est pour rien si notre oncle est une pourriture.

Il l'a regardé quelques secondes. Li n'avait pas bougé. Il continuait de dessiner, la musique dans les oreilles. Je pouvais l'entendre, il avait augmenté le son. Il a toujours été comme ça, à préférer ne pas se mêler de nos histoires.

- Je sais qu'il n'y est pour rien, mais je suis quand même en colère contre lui. Je ne me comprends pas moi-même.
- Il fait tout ce qu'il peut pour ne pas te froisser, je sais que c'est dur pour lui aussi. Si tu ne peux pas lui parler correctement, alors ne lui parle pas.
- Je vais essayer.
- S'il n'y a pas moyen de cohabiter normalement, je ne pourrai pas me couper en deux.
- Oui, j'ai compris. Tu l'as déjà dit.

J'ai séché ses larmes et mis le désordre dans ses cheveux. Même si je savais qu'il râlerait, il ne pouvait pas se retenir de sourire quand je faisais ça.
Après ça, il est allé se coucher dans le canapé. J'en ai profité pour m'asseoir face à Li et lui prendre la main qu'il n'utilisait pas. Il a levé la tête.
J'entendais sa musique presque distinctement, il ne pouvait rien entendre d'autre à mon avis. C'était important pour moi de lui montrer que j'étais là pour lui. Ce petit geste qui ne coûte rien, mais qui veut dire beaucoup.
Il a déchiré la première page de son cahier pour la faire glisser vers moi. Il avait dessiné un livre ouvert, la partie gauche noircie, comme si les pages avaient été brûlées. Le côté droit était blanc avec, dans chaque extrémité de page visible du bouquin, un mot écrit à l'encre grise argentée, formant une phrase : « Le bonheur de découvrir l'amour, malgré la peur de le perdre un jour ».
Je n'ai pas pu m'empêcher de sourire, et lui non plus. Il m'étonne à chaque dessin, même si je me serais bien passé de certains portraits de moi sous toutes les coutures.
Il gardait, bien au chaud dans un tiroir, l'une de ses créations faite sur une dizaine de feuilles qui, une fois assemblées, me représentaient entièrement nu, presque à taille réelle. Je l'ai laissé garder ça uniquement parce que j'étais de dos.
En vérité, je respectais trop son talent pour l'empêcher de l'exprimer. Même si je ne voulais pas l'avouer, je l'aurais laissé l'exposer là où il le voulait, rien que pour voir ce sourire qu'il portait en l'admirant.

Tout est écritWhere stories live. Discover now