Chapitre 4

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Quand je me suis réveillé, j'étais allongé sur le canapé, et je n'étais pas le seul. Il m'avait couvert d'un plaid et s'était endormi contre moi. Je n'ai pas bougé pour ne pas l’embêter, c'était dimanche après tout.
Je me suis contenté de le regarder jusqu'à ce qu'il ouvre les yeux. Il était gêné et s'est excusé de s'être endormi là. Je lui ai dit que ça ne me dérangeait pas, mais il s'est très vite levé pour aller prendre une douche. J'en ai profité pour passer un coup de fil à mon oncle, qui était aussi mon patron. Il a accepté de me laisser la semaine.

- Sacha, tu peux me couper les cheveux ?

Il avait passé sa tête par la porte, ses cheveux dégoulinaient sur ses joues. C'est vrai qu'il en avait besoin, mais je n'étais pas sûr de ne pas faire un carnage si j'essayais de les couper.

- Tu ne préfères pas les confier à un coiffeur ?
- Non, je veux juste ne plus les avoir dans les yeux. Je ne t'en voudrais pas si tu fais des dégâts.

Ses cheveux étaient magnifiques, mais beaucoup trop longs, alors j'ai cédé. J'étais fier du résultat, sa coupe était plutôt réussie. Il était vraiment beau, c'était presque un crime de cacher cette beauté sous autant de cheveux. Je n'avais jamais eu l'occasion de voir ses yeux parfaitement dégagés. Ils méritaient pourtant d'être vus.
J'ai vite compris pourquoi il gardait ses cheveux longs. Il avait une cicatrice sur la joue, près de son oreille droite. Elle n'était pas bien grande, presque parfaitement ronde, comme une sorte d'ancienne brûlure.

- Ce n'est pas ce que je pense ?
- Si tu penses à une brûlure de cigarette, si, c'est ça.
- Qui ?
- Mon père. Les affaires ne marchaient pas bien à ce moment là.
- Merde...
- Il disait que ce n'était sûrement pas mon visage qui attirait les clients, qu'avec mes cheveux ça ne se verrait pas, et que ça me motiverait à travailler plus.
- Je ne suis pas sûr de comprendre là. Ne me dis pas que ton père est aussi ton mac ?
- C'est ce que je disais, c'est compliqué.
- Compliqué ? Horrible oui ! Ce bâtard a mis son gosse sur le trottoir...
- Ses gosses, ma sœur aussi. Sauf qu'elle ne voit pas ça de la même façon que moi. Elle aime mon père, elle ferait tout pour lui. C'est pour ça que c'est difficile de la sortir de là.
- Elle vit avec lui ?
- Oui. Selon elle, il a besoin de nous. Elle a changé depuis la mort de maman et elle ne comprend pas pourquoi je ne vis pas avec eux. Comme si le fait qu'il nous pousse à vendre notre corps n'était pas suffisant. Si elle avait vu ce que j'ai vu...
- De quoi tu parles ?
- Je ne l’ai jamais dit à personne, c'est tellement flou maintenant. Je ne suis pas sûr de pouvoir en parler.
- Je comprends.
- Ce qui me fait tenir c'est le soutien que j'ai reçu dans cette boîte où je t'ai emmené.
- Merci pour moi.
- Tu es plus qu’un soutien pour moi.

J'ai passé ma main dans ses cheveux. C'était la première fois que j'osais faire ça. Je ne pensais pas être capable de le faire au bout de trois jours surtout. Quand je pensais à tout ce qu'il avait pu vivre jusque là, ça me brisait le cœur. Personne ne mérite cette vie.

- Je ressemble à quoi ?
- Tu n'as plus l'air d'avoir 16 ans, c'est mieux.
- Tu veux dire que je fais vieux ?
- Non, tu fais ton âge. Tu es très beau.
- Même avec cette brûlure ?
- Même avec cette brûlure.

Il a baissé la tête, visiblement gêné. C'était un autre visage que je voyais, il se détendait peu à peu.
J'ai attendu qu'il se sèche les cheveux et qu'il libère la salle de bain pour prendre ma douche.

On avait commandé des pizzas à midi. Ça lui faisait plaisir, alors à moi aussi. J'aimais bien rester chez moi et ne rien faire le dimanche, c'est ce qu'on a fait.

Dans la journée, alors que j'allais chercher de quoi grignoter devant la télévision, j'ai cru que ma porte allait s'écrouler. Quelqu'un avait décidé de tambouriner dedans, en plein milieu de l'après-midi. Cet homme me criait d'ouvrir la porte, en précisant qu'il savait que j'étais là, qu'il avait vu ma voiture pourrie. Rien que pour cette réflexion j'aurais aimé pouvoir lui jeter la litière de Gribouille en pleine face.

- Putain... c'est mon père.
- Quoi ? Enferme toi dans la salle de bain.
- Il est fêlé, ne lui ouvre pas.
- S'il te plait, fais moi confiance.

Il s'est enfermé dans la salle de bain et j'ai ouvert la porte d’entrée avant que cette pourriture ne parvienne à la défoncer. Cet homme était plutôt moche. J'avais du mal à croire qu'il puisse être le père d'une telle beauté.

- Où est mon fils ?
- De qui vous parlez ?
- J'en ai chié pour le retrouver, il m'a fait perdre mon week-end, et mon pognon !
- En effet, c'est fâcheux. Mais il n'est pas là.
- Je sais qu'il est là ! Arrête de te payer ma tête, morveux.
- Vous voulez qu'il retourne à l'endroit où vous l'avez jeté, sur le trottoir ? Vous vendez le corps de vos gosses et vous arrivez à dormir la nuit ?
- Ils ne sont bons qu'à ça de toute façon, et j'ai besoin de pognon.
- Il est mineur bordel...
- Le temps c'est de l'argent alors rendez-moi ma pute de fils et je laisserai votre tas de ferraille en un seul morceau.

J'ai attrapé mon parapluie avant de lui mettre un coup de pied dans le genou et de le jeter sur le sol. S'il fallait en arriver là, je préférais tâcher mon sol que mes murs.
Je lui avais bloqué les épaules avec le parapluie pour éviter les mauvais coups. Ma main me faisait mal, mais je ne pouvais pas le montrer. J'ai posé mon genou sur son service 3 pièces, par sécurité. Je ne me reconnaissais pas.

- Ecoute moi bien ! Il ne viendra pas avec toi alors tu vas repartir maintenant, et seul.
- Va te faire foutre !
- Tu vas oublier ton fils, parce qu'il faudrait me tuer pour que je le laisse y retourner. Tu vas m'oublier aussi, et si tu touches à ma sublime voiture... l'intérieur de son coffre sera la dernière chose que tu verras, c'est clair ?
- Putain mais t'es qui toi ?
- Quelqu'un qui pense que la place d'un connard comme toi est en prison. J'aimerais bien voir qui serait la pute là-bas.
- Tu regretteras ça...
- On verra ça, maintenant casse toi.

Je l'ai lâché en restant sur mes gardes. J'essayais de rester le plus calme possible et de ne montrer aucune émotion, c'était loin d'être facile. J'avais peut-être un peu la trouille puisque je sentais mes jambes trembler. Je ne savais pas comment ça se passerait après ça, j'avançais à l'aveugle. Tout allait tellement vite. La seule chose dont j'étais sûr c'est que, le pire aurait était de le voir repartir avec lui.
J'ai regardé cette ordure sortir de mon loft, puis de l'immeuble. Il avait l'air furax, mais pas autant que moi. Si c'était légal, je n'en serais pas resté là, même si ce n’était vraiment pas mon genre d’être violent.

J'ai verrouillé ma porte. Mon cœur battait beaucoup trop vite. Je ne voulais pas me l'avouer, mais j'avais été à deux doigts de la crise de panique. Je devais juste paraître fort pour ne pas me faire piétiner par cette pourriture. J'avais pris sur moi pour ne pas trop trembler, pour l'affronter.
Je n'avais jamais été confronté à ce genre de situation, je n'avais jamais tenu tête à personne, pas comme ça.
J'ai crié qu'il était parti et la porte de la salle de bain s'est ouverte. L'expression qu'il affichait m'avait brisé le cœur. Il s'avançait vers moi, tête baissée. Je me sentais idiot, je ne savais pas quoi dire. Il ne s'est arrêté que pour me prendre dans ses bras. Je sentais ses mains dans mon dos, il s'agrippait à ma chemise, de plus en plus fort.

- Merci...

Je n'ai pas su quoi répondre, il m'avait pris au dépourvu. J'ai seulement passé ma main dans ses cheveux. C'était ma façon de lui dire que tout allait bien, même si je n'en étais pas convaincu.
Ce soir là, il est resté silencieux et s'est couché tôt. 

~~~ A suivre...

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