Chapitre 5

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Le lendemain, il s'en est excusé. Il ne me devait pourtant rien. Il avait morflé jusque là, il ne pouvait pas faire comme si tout allait bien.
Je me suis retrouvé à me faire tripoter les os et articulations de la main pour apprendre ce que je savais déjà, elle était fracturée. Li a accepté de faire un petit check-up en passant.
On a fait un détour pour aller voir mon frère à l'hôpital avant de rentrer.

A notre retour, il s'est changé pour aller se jeter sur le lit. Je voyais bien qu'il était fatigué.

- Ça va, tu te sens bien ?
- Tu crois que je peux avoir attrapé une saloperie ?
- Tu te protégeais bien ?
- Toujours.
- Alors ça devrait aller, ne t'inquiète pas.
- Merci de ne pas lui avoir dit ce que je faisais.
- Ce n'était pas à moi de lui dire. Elle n'est pas obligée de le savoir d'ailleurs.
- Alors ce n'était pas par honte ?
- Pourquoi j'aurais honte ? On a tous un passé, plus ou moins glorieux.
- Ça faisait longtemps qu'on ne m'avait pas traité comme ça. Mes potes me rappellent parfois que je suis un cas désespéré.
- Alors ils ne sont pas vraiment tes potes. Les amis sont là pour nous soutenir, pas nous rabaisser.

Ça l'a fait sourire l'espace d'un instant. Il ne se doutait pas qu'il m'aidait plus que je ne l'aidais, malgré lui. Il me donnait envie de vivre, de vivre vraiment. Je ne voulais plus me contenter de ma routine.
Je me levais tous les jours à la même heure et prenais tous les jours le même petit déjeuner. Je partais à la même heure tous les matins pour arriver au travail avant 8 heures. Chaque soir, je me faisais à manger, au même moment, pour le dîner du jour et le déjeuner du lendemain. Ensuite je m'occupais de la vaisselle avant de bouquiner un peu, pour finir par aller me coucher, aux environs de 21h. Le week-end, je m'accordais un peu de folie. Je sortais avec mon frère. J'allais parfois au restaurant ou au cinéma, ça s'arrêtait là. J'avais la vie d'un célibataire de 50 ans. C'était triste, pour un homme d'à peine 25 ans.
Il avait chamboulé ma vie et mes habitudes. J'aimais tellement ça.

Il s'était inquiété pour rien, il allait bien. Il avait juste une ou deux petites carences dues à sa mauvaise alimentation. Les plats équilibrés n'avaient pas une grande place dans sa vie.

Cette semaine là, nous ne nous sommes pas quittés. J'en ai appris des choses en si peu de temps. Il m'a beaucoup parlé de sa mère, elle lui manquait énormément. Elle l'avait toujours protégé, c'était une héroïne à ses yeux. Mais elle était malheureuse, il le savait. Son mari, le père de Li, ne s'occupait pas d'elle. Il la négligeait complètement et ne montrait aucune affection envers elle ou ses enfants. Son monde s'est écroulé quand elle est morte.
Il m'a aussi parlé de ce qu'il aurait aimé faire si le destin n'en avait pas décidé autrement. Il aimait dessiner, plus que tout et avait tout arrêté après avoir vu son père brûler toutes ses œuvres en hurlant que c'était pour les enfants, qu'il avait mieux à faire.

Le vendredi soir, j'ai garé ma voiture non loin de l'endroit où j'ai vu Li pour la première fois. Je n'aimais pas ça, mais j'avais besoin d'essayer. Je secouais ma jambe droite et frappait mon index contre le volant en rythme sans vraiment m'en rendre compte.

- Détend toi, ça va aller.
- Je ne suis pas sûr de ça.
- J'ai peut-être une idée, si tu veux bien me laisser essayer.
- Qu'est ce que tu veux faire ?
- Je ne peux pas t'expliquer, il va falloir que tu me fasses confiance.
- Rien de dangereux ?
- Evidemment que non.
- Très bien.

Il est sorti de la voiture avec le sourire. Je ne m'attendais pas à ce qu'il me laisse seul. Il est allé discuter avec un mec adossé contre un mur de briques vieillies. Je me doutais que c'était une diversion, mais pas de ce qu'il avait prévu de faire.
Quand la fameuse voiture rouge est arrivée et s'est arrêté devant eux, j'ai vite compris. Il s'est approché du véhicule pour y monter. J'étais partagé entre l'angoisse et la colère. J'ai allumé le moteur et j'ai suivi cette voiture. Il n'était pas question de la perdre de vue.
Elle s'est arrêtée devant un hôtel. Un homme en est sorti, il devait avoir une cinquantaine d'années. L'angoisse a été complètement effacée par la colère.
Quand j'ai vu Li sortir de la voiture et le suivre à l'intérieur de l'hôtel, j'ai craqué.
J'ai laissé ma voiture presque en travers de la route et j'y suis entré à mon tour. Juste à temps pour les voir entrer dans l'ascenseur. J'ai couru pour les rattraper, mais c'était trop tard. J'ai eu le temps de voir le numéro de l'étage allumé, quatrième étage. J'ai emprunté l'escalier, montant les marches deux par deux. Mon cœur battait beaucoup trop vite. Si je les perdais de vue, c'était foutu.
J'ai réussi à atteindre l'étage avec une rapidité dont je ne me croyais pas capable, juste à temps pour voir une porte se fermer. Je n'ai pas réfléchi, j'ai essayé d'ouvrir la porte qui n'était pas verrouillée.
Je suis entré, sans aucune discrétion. Je refusais de laisser cet homme poser ses mains sur lui. J'ai été surpris de les trouver assis autour d'une petite table.

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