Chapitre Septième : Le Prisonnier

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Un lourd silence planait, régulièrement brisé par le tintement des chaînes d'un pauvre hère, prisonnier d'une des nombreuses cellules infernales, mais, contre toute attente, il ne subissait pas de torture autre que celle qu'il s'infligeait de son propre chef. Comment avait-il été assez stupide pour se faire avoir par un démon ? N'était-il pas supposé être un illustre savant ? Un alchimiste de renom ! Non, le plus grand de tous les alchimistes ! Pourtant il était ici, à la merci de ses ennemis, impuissant et, pire encore, désœuvré, malgré ses incessantes demandes ils avaient refusé de lui fournir de quoi pratiquer son art. Décision sensée, il en aurait profité pour prendre la poudre d'escampette et mettre le feu pour l'éternité à l'ensemble des Enfers. Cela aurait coloré ces terres si mornes à la luminosité si constante. L'alchimiste ne parvenait même pas à définir l'heure qu'il était. Depuis combien de temps était-il ici ? S'il en croyait la longueur de ses cheveux, plusieurs mois déjà, mais peut-être que le temps s'écoulait différemment en ces lieux. Il n'en savait rien et n'en avait cure, une seule chose l'importait, rentrer chez lui, retrouver son lit douillet et son confort. Las, il arrêta d'entrechoquer ses chaines et s'allongea au sol, pensif.

Un raclement l'arracha à sa torpeur. Il n'était pas seul, quelqu'un l'observait, certainement avec un grand sourire narquois sur le visage. Zaefan ! Ce misérable vaurien, cet infâme démon, s'il savait le sort qu'il lui avait réservé dans ses rêves, il ne rirait pas tant. Malheureusement il était bien incapable de lui faire quoique ce soit, sinon il ne se serait jamais retrouvé enfermé ici. Les deux hommes s'échangèrent un regard furtif. Étrange, son geôlier semblait troublé, sa mine était partiellement déconfite, et surtout, que tenait-il dans sa main ? Des clés ?

— Lève-toi, ancestral, et plaque-toi contre le mur, intima le démon.

— Zaefan ! Mon ami ! Depuis le temps tu as le droit de m'appeler Copédra tu sais ? s'amusa l'alchimiste.

— Silence.

Il n'insista pas et obéit. Zaefan ouvrit la porte de la geôle et s'approcha du captif, puis lui ordonna de se tourner et enfin lui retira ses menottes. L'alchimiste était stupéfait. Était-ce une nouvelle méthode de torture ? Faire croire à sa libération pour mieux le briser ensuite, cela ressemblait aux genres d'idées tordues de Nakãra afin de le faire souffrir. Il n'avait pas oublié non plus la fois où le démon lui avait raconté, dans les détails, comment il avait ôté la vie d'Isis, et Copédra ne savait toujours pas si c'était un mensonge ou non.

— Suis-moi. Nous avons de la marche à faire et un rendez-vous à ne pas manquer.

L'ancestral ne posa pas de questions, il n'obtiendrait aucune réponse et le savait pertinemment, il se contenta de hocher la tête et d'emboiter le pas à Zaefan. Satisfait, ce dernier quitta la cellule, il se remémora les dernières directives de sa maitresse, et prit la direction convenue. Il jeta un œil aux astres noirs qui le surplombaient, il n'était pas en retard, mais presque. Il accéléra et veilla à ce que son prisonnier le suive, il était docile et inapte à la magie, il ne représentait aucun danger, même sans menottes, mais il était surtout d'une lenteur répugnante. Le démon resta impassible mais soupira intérieurement. La route serait longue.

Chizu s'écroula au sol et vomit, Nakãra avait été maladroite avec son sort de téléportation, concentrée sur sa lutte contre Raito et Shidesu, et cela lui avait retourné l'estomac. Elle s'assit quelques minutes afin de reprendre ses esprits, elle devait assimiler un grand nombre d'informations. Sa mère avait perdu le contrôle de son corps, mais semblait s'y être préparée, et avait tout organisé afin de la sauver. Elle semblait même avoir pris en compte sa potentielle désobéissance et s'était préparée en conséquence, malgré tout, la jeune fille avait failli périr et la téléportation qui l'avait sauvée paraissait peu maitrisée. Et maintenant quoi ? Elle devait trouver l'ancestral prisonnier ? Et rejoindre Kao ? Comment était-elle supposée y parvenir ? Les instructions de Nakãra était succincte, voire insuffisantes. Chizu prit une grande inspiration, la nausée s'en était allée, elle se leva et s'étira. En toute logique, il lui fallait prendre la direction de la prison, là où la déesse faisait torturer les âmes humaines avant de les changer en démons. Non, il venait de l'Empire Ancestral et non du Mereti, la déesse du Mal aimait leur réserver un traitement particulier, ils étaient peu nombreux à finir entre ses griffes, et si la mémoire de Chizu était bonne, sa mère avait bâti un lieu spécial pour ce genre de grande occasion. Mais où était-ce ?

Les Fresques Ancestrales : L'ÉlueWhere stories live. Discover now