Chapitre Dix-neuvième : Nihil

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Les yeux fermés, alors que Mya se sentait sombrer dans l'inconscience, l'odeur âcre du sang emplit ses narines. L'emprise sur sa gorge se relâcha ; elle chuta pendant ce qui lui sembla une éternité puis heurta le sol. Le râle de douleur des Créateurs résonna.

Terrifiée, elle entrouvrit ses paupières. Kao se trouvait là, devant elle. Elle ne savait comment mais il était parvenu à trancher la main de Nakãra, sans leur laisser le temps de réagir.

— Raito ! Shidesu ! Vous avez commis une erreur, les railla-t-il. Jusqu'à présent je retenais mes coups, car au fond de moi je continuais d'espérer trouver un moyen de mettre fin à cette folie sans tuer Nakãra. Vous avez pris cela pour de la faiblesse. Je ne faisais que retarder l'inévitable. Maintenant j'y suis résolu.

Le dieu se tourna vers elle, il était méconnaissable, son visage se tordait sous le coup de l'émotion, elle ne l'avait jamais vu ainsi.

— Je suis désolé de vous avoir entrainées avec moi, Chizu et toi. Je suis désolé de ne pas avoir su la protéger. Ce combat n'a jamais été le vôtre.

Il effleura son front et tout s'effaça. Encore une fois, Mya se retrouva téléportée. Elle hurla de rage, frappa le sol du poing, avant d'essayer de reprendre contenance. Elle ne supportait plus d'être traitée comme un jouet par ses alliés et ses ennemis, d'être envoyée où bon leur semblait sans un mot, sans même lui demander son avis ! Elle voulait se battre, faire payer aux Créateurs. Où se trouvait-elle désormais ? Elle ne le savait même pas.

À en croire le plafond et les murs, elle se situait toujours au sein du manoir de Nakãra. Quitte à l'éloigner du combat, pourquoi ne pas la renvoyer dans l'Empire Ancestral ?

Au loin, une cloche sonna ; tout autour d'elle des torches s'enflammèrent. Le marbre noir brillait de milles feux, tandis que se dessinait pour elle un chemin. Voyant qu'elle n'avançait pas, les dalles s'inclinèrent. Mya perdit l'équilibre et glissa sur le sol. Elle laissa s'échappa un cri de frayeur, tenta se trouver prise pour s'accrocher et ralentir sa chute, mais rien ne semblait disposer à l'aider. Le toboggan s'arrêta. Mya venait de percuter quelque chose de dur.

La cloche sonna une nouvelle fois, suivie par le son d'une multitude d'instruments. Les notes s'enchainaient avec harmonie. Le manoir tout entier chantait. Au rythme du requiem, les torches s'éteignirent une à une, les ténèbres enveloppèrent Mya, puis les lustres s'embrasèrent, dévoilant un lit à baldaquin.

Elle écarquilla les yeux quand elle réalisa le corps qui y était couché. Chizu... Elle ne put réprimer sa tristesse plus longtemps et éclata en sanglots. Une chaleur intense émana de sa poche. Qu'est-ce que cela signifiait ? Mya y plongea la main. Ses doigts effleurèrent quelque chose de doux et soyeux. La plume ! Elle la sortit et constata qu'elle brillait désormais de mille feux. Une mélodie accompagnait sa lumière éclatante. Elle se joignait à la plainte du manoir.

Mya se souvint de sa promesse. Elle glissa avec tendresse la penne blanche entre les paumes jointes de Chizu. Surprise, Mya tituba en reculant, tandis que la plume fusionnait avec Chizu. Sa lumière diffusa à travers son corps. Elle semblait pareille à une torche humaine. La musique se tut.

Un silence de plomb s'instaura. Puis un premier tambour le brisa. Très faible, presque inaudible. Isolé. De longues secondes passèrent avant qu'à nouveau un son retentisse. Il s'affirmait. Lorsque le troisième résonna, un quatrième s'enjoint à lui presque aussitôt. Boum, boum ! Et un silence court. Boum, boum ! Les tambours s'intensifiaient, le rythme se précisait. Boum, boum ! Boum, boum ! Mya s'avança vers Chizu. Elle lui caressa la joue. Elle était chaude, elle aurait dû être glaciale. Elle prit son pouls. Boum, boum ! Le doute n'était plus permis, les battements de tambours n'en étaient pas ; il s'agissait de battements de cœur ! Impossible !

Les Fresques Ancestrales : L'ÉlueWhere stories live. Discover now