Chapitre Seizième : Tréfonds

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— Te voilà bien seule, Ancestrale.

Mya sursauta. La voix avait surgi de nulle part, sans crier gare. Elle n'en comprenait même pas l'origine. Mais ce qu'elle disait était véridique. Elle était seule. Chizu était morte, Kao disparu et ses ennemis envolés ! Tout s'était passé tellement vite. Des cauchemars s'étaient enchainés dans son esprit. Son retour à la réalité n'avait pas été moins brutal. Elle avait tué son amie, elle en était certaine. Les raisons demeuraient floues, mais elle supposait que le pouvoir des Antiques en était la raison. Où aller désormais ? Elle avait promis de vaincre les Créateurs. Cependant, en plus d'être une folie, elle ne savait pas où ils étaient et ce manoir semblait aussi immense que celui de Kao.

— Qui parle ? se risqua Mya.

Un silence lourd comme une chappe de plomb lui répondit. Devenait-elle folle ?

Elle haussa les épaules et continua d'avancer. Un grand escalier se dressait désormais face à elle. Sur la gauche il montait et permettait d'accéder, selon toute vraisemblance, aux étages supérieurs. Sur la droite, il s'enfonçait, sans fin, dans les entrailles du manoir. Pour ce qu'elle en savait, il pouvait la conduire jusqu'aux Enfers.

— Tu hésites, Ancestrale ?

— Qui êtes-vous à la fin ?

— Un parti... tiers, cliqueta la voix après un temps. Si tu cherches les Créateurs, ils sont dans la grande serre de l'aile Ouest. Son accès dépend des humeurs du manoir. À l'heure actuelle il te faudrait gravir l'escalier de gauche pour la rejoindre.

— Pourquoi m'aider ?

— Te conduire à la mort ne peut pas être considéré comme une aide. Raito et Shidesu, tu ne peux pas les vaincre. Telle n'est pas ta destinée.

— J'ai fait une promesse...

— Tes belles paroles ne te permettent pas de transcender ta nature de faible être mortel. Ton amie est morte de tes propres mains car tu ne pouvais même pas faire face à la folie imposée par Murkhata.

Mya se tut. Elle savait que l'inconnu avait raison. Qu'aurait-elle bien pu lui répondre ? Elle soupira et se sermonna. Perdu pour perdu, elle irait les affronter, quitte à y laisser la vie, au moins elle aurait été fidèle à ses valeurs jusqu'au bout. Elle monta une première marche, mais la voix reprit aussitôt.

— Tu y vas malgré tout, Ancestrale ?

— Je n'ai pas d'autre choix.

— Quel dommage... Voilà que la jeune Tamashi s'en va mourir... Sans même savoir ce que son nom signifie...

Mya s'arrêta.

— Vous savez qui je suis ? s'étonna-t-elle.

— Je sais beaucoup de choses, Mya Tamashi. Mais pourquoi ne viendrais-tu pas discuter de tout cela avec moi ? Enfonce-toi dans les profondeurs du manoir. Trouve le portail. Et rejoins-moi.

— Et les Créateurs ?

— Pour le moment tu ne les intéresses pas. Et puis, je suis ton seul espoir de survie et de peut-être respecter ta promesse un jour.

Après tout, la voix n'avait pas tort. Seule, sans Kao, elle ne pouvait rien ; autant aller voir ce qui l'attendait plus bas, et peut-être enfin obtenir des réponses à la multitude de questions qui la hantaient. À reculons, elle descendit la marche qu'elle avait gravie et s'enfonça sans plus tarder dans les profondeurs du manoir.

Plus un bruit ne résonnait dans le grand hall. Seul le corps gisant de Chizu rappelait la violence et l'horreur de ce qu'il s'y était produit quelques minutes auparavant. Depuis, rien ne venait troubler la quiétude qui s'y était installée. L'absence d'accès à la pièce facilitait cette paix.

Les Fresques Ancestrales : L'ÉlueWhere stories live. Discover now