Chapitre 17

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— Mes talents?

Alors que sa timidité s'était un peu effacée ces dernier temps, elle semble refaire surface sur les traits d'April qui se prend de passion pour le linoléum.

—Voilà, dit-elle d'une petite voix. Un de nos chroniqueurs du journal nous a fait faux bon. Plus exactement, il est en garde à vue pour une durée indéterminée, et comme on publie lundi le numéro de ce mois-ci, il va nous manquer une rubrique...

Je ne peux retenir mon éclat de rire malgré toute ma bonne volonté.

— Je suis désolée April, je ne me sens pas l'âme d'une chroniqueuse, je ne pense pas pouvoir t'aider.

— A vrai dire, je sollicitais plutôt tes talents de romancière ... Quoi de mieux pour couvrir deux pages blanches qu'une petite nouvelle de ton choix?

Mon rire disparait instantanément.

— Tu veux publier une de mes histoires.

— Oui.

— Tu penses qu'elles pourraient être lu dans TON journal que tu bichonnes comme si c'était le New York times?

— Oui.

— Et tu me donnes carte blanche?

— Exactement.

Mon cerveau se met sur pause un moment, tentant de digérer l'information. Elle me pense, moi, à la hauteur de ses collègues qu'elles a sélectionné avec soin.

— Alors?

Cette fois, elle me regarde bien dans les yeux, avec ses prunelles suppliantes auxquelles j'ai le plus grand mal à résister.

— Je vais voir ce que je peux faire.

— Oui!!!

Elle applaudit d'enthousiasme comme une gamine à qui l'on aurait offert un poney. Je l'arrête avant que ça ne devienne gênant.

— À une condition.

— Tout ce que tu voudras.

Si seulement...

— Ne refait plus jamais ça.

Jeudi soir, assise à mon bureau, fixant mon écran depuis 20 bonnes minutes, je vois le curseur de saisie me défier. En haut de mon document texte totalement vide, la petite barre clignote et me nargue depuis maintenant 4 jours. Elle s'avère vile et fourbe, me torturant chaque soir, s'invitant jusque dans mes rêves pour me répéter sans cesse que je ne suis pas à la hauteur pour que mes mots soient publiés comme ceux d'une personne aillant du talent.

Apparaît, disparait, apparaît, disparait. Fichu pointeur.

Depuis aussi loin que je me souvienne, je n'ai jamais eu aucun mal pour inventer des histoires. Si j'en avais envie, si je m'ennuyais, si j'avais un travail qui ne nécessitait aucun effort intellectuelle, si j'attendais le sommeil, si je voulais m'évader d'une situation franchement merdique, il me suffisait de faire appel à mon imagination et ça venait tout seul. Les héros variaient selon mes préoccupations et intérêts du moment, allant du gnomes mangeur d'ours au motard ténébreux et passant par une colonie de scouts ou une princesse Ninja. Ça a toujours était mon super pouvoir à moi, cette capacité à m'enfuir dans mon monde en l'espace de quelques secondes. Et pourtant, cette fois, rien.

Le syndrome de la page blanche.

J'ai songé à prendre un texte que j'avais déjà écrit, mais Pacco le reconnaitrait à la première ligne, et je ne comptais pas dire à qui que se soit que j'écrivais, encore moins pour le journal de l'école.

Rapprochement improbableΌπου ζουν οι ιστορίες. Ανακάλυψε τώρα