chapitre 15

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Nous revenons à la fête, et j'ai le coeur serré en imaginant ce qu'il pourrait advenir de moi si April et Killian en venaient à une relation. Mais, alors que mes pensées sont une fois de plus concentrées sur moi même, c'est un autre spectacle qui se joue à l'intérieur. En entrant dans le séjour, un scène affligeante se déroule sous les yeux de tous les invités. Kelly, celle qui se dit ma meilleure amie, est en train d'embrasser Patrick, MON Patrick.

Certes, mon crush pour lui n'a plus vraiment d'importance depuis qu'April est venue chambouler tout ce que je voulais, mais ça, Kelly ne le sait pas. Pour elle, je suis encore amoureuse de lui, et, apparemment, elle n'en a rien à faire. Je la vois distinctement, plaquée contre le mur qui sépare le salon de la cuisine, glisser sa main dans ses cheveux, sa cuisse contre la sienne, sa langue dans sa bouche.

Un élan de tristesse s'empare de moi. J'ai les larmes aux yeux de la voir faire. Comment? Pourquoi? Alors que nous sommes amies depuis aussi longtemps que je me souvienne, peut-elle me faire ça.

Je sens ma main d'April venir serrer la mienne pour me réconforter. En temps normal, je n'aurais penser qu'à sa peau contre la mienne, mais là... Mon coeur semble se briser, se déchirer dans une douleur insoutenable. Kelly... comment? Et Kyles?

Kyles. La scène se passe comme au ralentit. Paco fonce à travers la foule pour l'arrêter avant qu'il ne vienne écraser son poing sur Patrick. Les 50 kg du petit geek ne retiennent pas longtemps le joueur de foot qui le projette au sol avant de foncer sur le couple. April se précipite pour sortir Paco de la mêlé. Elle se tourne vers moi.

— On devrait peut-être rentrer?

Je consens d'un signe de tête.

— Je suppose qu'on attend pas Kelly, ajout-elle.

Je regarde la pompom girl tenter de séparer ses deux prétendants.

— Non.

J'attrape ma veste et quitte la fête pour rejoindre ma voiture. Mes deux compagnons me suivent. Paco s'assoit derrière alors qu'April s'inquiète de sa lèvre qui saigne. Je démarre en trombe puis me ravise vite en me rappelant que j'ai deux passagers. Au fur et à mesure du chemin, la peine se transforme en colère. Avec cette question qui se répète en boucle dans ma tête: comment? J'ai dû finir par la prononcer à voix haute car April tente de lui trouver une réponse.

— Elle était saoul tu sais. Je ne suis pas certaine qu'elle avait conscience de ce qu'elle faisait.

Paco, les yeux plongés dans l'obscurité qui défile par la vitre, lui, a une autre idée.

— Ou la popularité lui est monté à la tête.

Je jette un coup d'oeil dans le rétro pour lui demander du retard où il veut en venir, mais il reste tourné vers la vitre.

— Comment ça? demande innocemment April.

Paco se redresse sur la banquette arrière.

— C'est toujours pareil, dit-il. Les populaires se prennent pour les rois du monde, se croient tout permis. Ils ne pensent qu'à eux, forcément, ça fini comme ça.

Je prend une grand inspiration pour me calmer. Je me retiens depuis déjà trop longtemps d'explosé, si lui aussi s'y met, je ne vais pas tenir. Ça ne marche pas le moins du monde, chaque bouffé d'oxygéne grandit encore ma colére. Je ne peux m'empêcher de rétorquer.

— Je suppose que tu me mets dans le lot.

Paco me fixe méchamment dans le rétro en tenant sa mâchoire endolorie comme si c'était moi qui était responsable de coup qu'il s'est pris.

— Exactement.

— Quoi? Je m'indigne. Je peux savoir ce que je t'ai fait moi?

— Rien, justement. Tu crois que ça me fait quoi quand je vous vois avec Kelly. Je vous ai vu grandir, changées, devenir les reines du lycée, et vous vous comportez comme eux. Vous avez fait parti des reclus vous aussi merde, vous auriez pu essayé de changer les choses.

Mes poings se serrent autour du volant, nous sommes bientôt arrivés dieu merci.

— Je peux savoir pourquoi tu nous suis dans ces fêtes si tu nous méprise tan que ça?

— Tu crois que ça m'amuse? dit-il en haussant le ton. Tu crois que ça me plait de passer mes soirées sur un canapé à vous regarder vous amuser sans moi?

— Alors pourquoi?

— A ton avis Britanny! Pourquoi tu veux que je vienne?

Ça y est, on y est, le moment que je redoute depuis notre enfance, le moment où Paco m'avoue ses sentiments. Il est énervé, crevé et assez saoul pour cracher le morceau. Mais je ne veux pas, je ne veux pas qu'il le dise à voix haute, qu'il gâche l'équilibre que nous avons construit, qu'il me déclare un amour qui n'est pas réciproque. Alors, pour le faire taire, je répond la seule chose qui le vexera assez. Je me gars dans l'allée de chez moi et le fixe dans le rétro.

— La vérité c'est que tu es bien content de retourner au lycée le lundi en te ventant auprès de tes potes minables d'avoir été à une fête de Spencer.

Son visage change sous l'effet de la colère. Ses traits se durcissent, sa mâchoire se sert.

— C'est ça oui, moi aussi je cours après la popularité pour me faire aimer une bande de crétins.

Il sort de la voiture en claquant la portière, April s'élance à sa suite pour le rattraper et je crois que ça m'agace encore plus.

— Attend, crie-t-elle, il faut le soigner.

— Ça ira, ça me fera un truc à raconter à mes potes minables.

Il disparait de l'autre côté de la rue. April se tourne vers moi, le regard triste. Je ferme la voiture sans un mot et rentre à la maison. Elle me suit dans la salle de bain, nous nous démaquillons dans le silence le plus total. Elle a l'intelligence de comprendre que je n'ai aucune envie de parler, là tout de suite. Nous nous changeons, toujours sans rien dire, puis allons nous coucher. Elle éteint la lumière et je tente toujours de reprendre mon calme, sans succès.

C'est alors que, sans prévenir, elle se tourne vers moi et viens me serrer dans ses bras. Le trop plein d'émotion en moi fini par déborder. Son élan de gentillesse pour et simple dans le seul but de me réconforter fait fondre toutes les barrières que j'avais dressé pour sauver la face.

Mes meilleurs amis que je prenais pour ma plus grande force viennent de me blesser sans aucune raison. Les larmes roulent sur mes joues sans que je ne puisse plus les arrêter. Je ne comprend pas ce que j'ai fait de mal, je ne comprend pas pourquoi ils m'ont fait tout ça ce soir. Je n'aurais jamais cru ça d'eux. Et, alors qu'April vient loger ma tête au creux de son épaule, que sa main droite vient serrer ma taille et que la gauche caresse tendrement mes cheveux, mes larmes redoublent.

Je n'aurais jamais cru qu'il soit possible de ressentir autant de choses contradictoires en un même instant, alors que j'accroche un peu plus fort à la bouée de sauvetage qu'elle me tend. À chacun de mes sanglots, je la sens retenir ses larmes aussi, comme si elle pouvais sentir ma douleur elle aussi. Elle ne dit rien de plus et nous restons là, une bonne partie de la nuit, accrochées l'une à l'autre, jusqu'à finir par nous endormir.  

Rapprochement improbableWhere stories live. Discover now