2. Réminiscence

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Les jours étaient passés atrocement lentement depuis sa dernière entrevue avec sa psychothérapeute. Chaque soir, Lumine s'était posée sur sa chaise, devant son bureau, son cahier ouvert sur une page vierge devant elle.

Pour un peu plus de compagnie, elle avait sorti Paimon de sa cage pour gentiment la placer à côté de son stylo. En ces moments de dépression dans lesquels Lumine était emprisonnée, seul son hamster arrivait à lui faire esquisser le plus minuscule des sourires. Après tout, qui pourrait rester insensible devant ce hamster grassouillet qui dépeçait avec gloutonnerie les graines de tournesols que Lumine lui donnait ?

Le grignotement des graines accompagnait son stylo qu'elle faisait tournoyer entre ses doigts, la page devant elle si intimidante qu'elle n'osait poser sa pointe dessus.

Elle savait que ce « devoir » que sa thérapeute lui avait donné était fait pour l'aider. Mais ce n'était pas parce qu'elle le savait que c'était facile à exécuter. Dès qu'elle se plongeait bien qu'un court instant dans ses pensées et ses émotions, elle avait l'impression que son cœur allait lâcher.

S'il y avait une chose que Lumine n'arrivait pas à contrôler, c'était tant sa tristesse que sa colère. Comme une soupape défaillante, se replonger dans ses souvenirs faisait déborder ces deux émotions vives à lui en faire perdre la tête.

C'était ça, elle avait l'impression de perdre la tête.

Quelqu'un toqua à la porte, la faisant sursauter et lâcher son stylo qui tomba à ses pieds.

— Lumine, tu dois manger quelque chose.

La voix de son frère, inquiète, traversa la paroi que représentait la porte de sa chambre. Ils vivaient à deux – ou plutôt à trois si l'on incluait Paimon –, et depuis le fameux événement, Aether veillait sur elle sans jamais rechigner.

Ils étaient jumeaux après tout. Deux têtes blondes de vingt-six ans qui se comprenaient mutuellement sans qu'il n'y ait besoin de la moindre parole à prononcer.

Mais depuis ce fameux jour, où tout son être avait fini en un millier de morceaux brisés, cette communication naturelle avait été rompue. Aether n'arrivait plus à la comprendre. Et comment le pouvait-il ? Ce n'était pas lui qui avait subi ce qu'elle avait vécu.

C'est d'ailleurs précisément parce qu'il n'arrivait plus à la comprendre, à la sortir de sa chambre, de ses pensées noires, de ses pleurs, qu'il l'avait envoyée voir une psychothérapeute, et ce, malgré leurs revenus modestes.

— Je n'ai pas faim, arriva-t-elle tout juste à articuler, juste assez fort pour qu'il l'entende.

Mais comme tous les soirs, sa remarque tomba dans l'oreille d'un sourd. La porte s'ouvrit, et une odeur qui aurait dû être alléchante pénétra dans sa chambre. Aether s'approcha d'elle, déposa l'assiette qu'il tenait dans les mains sur son bureau, puis posa une main réconfortante sur la tête de sa sœur.

— Il faut que tu manges, lui dit-il d'un ton autoritaire, avant de quitter la pièce.

Il avait beau lui dire ça, Lumine n'avait pas faim. Manger était devenu bien lointain, plus rien ne lui faisait envie. Avec un soupir, elle posa sa tête sur ses bras, ses yeux se fermant pour se couper du monde.

Et comme tous les soirs, des larmes vinrent mouiller ses joues et teinter les pages de son cahier. Ses sanglots étaient aussi silencieux que possible, mais derrière la porte de sa chambre, adossé à la paroi, Aether était toujours là, témoin de cette tristesse affligeante qu'elle ne montrait plus guère que devant son hamster.

Ça te dirait un escape game ? Pour voir qui de nous deux est le plus futé.

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