3. Quand le ciel pleure

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C'était jeudi, et Childe venait juste de quitter furieusement le bureau de sa psychothérapeute. Il était énervé pour ne pas en dire plus.

Énervé par sa journée, par sa psychothérapeute, mais surtout par son état d'agitation profonde qu'il n'arrivait pas à comprendre. Et quand Childe était énervé, il avait un réflexe : prouver à quiconque le défierait qu'il avait raison.

À cet instant, il n'avait rien trouvé de mieux que de diriger sa colère entièrement envers Madame Lorem, et il avait décidé de lui prouver par A plus B qu'il avait raison, et qu'elle avait tort.

Elle avait voulu lui faire cracher qu'il ne passait pas par la plage car il était effrayé d'y aller. C'était précisément ce point qu'il allait démentir, pour lui clouer le bec en lui disant que ça ne l'avait pas affecté d'un iota.

Quelques minutes plus tard, le voilà les pieds dans le sable, son regard azuré observant le sable d'or fin et l'écume s'échouant sur les grains. Le temps avait viré au menaçant, un orage se préparant, ce qui avait fait fuir les quelques badauds qui auraient pu passer par là pour observer les vagues grignoter la terre.

Childe remonta dans un geste mécanique ses sacs de cours et de sport sur son épaule, avant de se mettre en marche, mettant de côté le sentiment désagréable qui montait en lui.

Il n'avait que quelques centaines de mètres à parcourir aux côtés de l'eau, ça ne pouvait pas être si dur que ça, si ?

Juste alors qu'il pensait – non, espérait ! – que tout allait bien se passer, l'orage lui tomba sur le coin de la figure comme un signe du destin qu'il devait admettre sa défaite, et que cet endroit l'angoissait.

Heureusement qu'il avait prévu son parapluie en partant ce matin, sinon il aurait fini trempé une fois arrivé chez lui. Trop engagé dans le chemin pour faire demi-tour, Childe agrippa de toutes ses forces le manche de son parapluie, tant pour éviter qu'il ne s'envole avec les rafales de vent, que pour se raccrocher à quelque chose. À chaque pas qu'il faisait, ses chaussures s'enfonçaient dans le sable avec un bruit de succion désagréable. Il allait devoir les faire sécher convenablement, sinon elles seraient inutilisables le lendemain.

Tête baissé, parapluie rapproché de son corps pour plus de protection, l'étudiant s'évertuait à ne pas jeter de coups d'œil à l'océan ou au ciel. Il se contentait de fixer l'étendue de sable qu'il devait traverser, et rien d'autre.

Il ne s'attendait toutefois pas à apercevoir une silhouette solitaire, assise sur le sable à la merci des éléments. Au début, il crut qu'il perdait la tête. Il pleuvait des cordes, qui pourrait vouloir rester dehors par un temps pareil, immobile, sans le moindre parapluie ?

Mais à mesure qu'il s'approchait, les contours de cette personne se précisèrent : cheveux blonds plaqués sur son visage, yeux d'or reportés sur l'horizon, robe blanche collant à sa peau.

Il s'agissait sans l'ombre d'un doute de la demoiselle qui avait le rendez-vous juste avant le sien les lundis et jeudis ; Lumine, comme il avait entendu à plusieurs reprises. Mais que faisait-elle ici ?

Childe remarqua que son parapluie était fermé, posé sur le sable à ses côtés, inutilisé. Quant à elle, elle était bien évidemment trempée jusqu'aux os, son regard fixé sur les vagues déferlantes.

Sans même se poser de questions, il s'approcha, et la coupa de la pluie en étendant son parapluie au-dessus d'elle. Malgré ça, ni sa présence, ni sa galante attention ne la tirèrent de sa contemplation des eaux agitées.

— Tu vas attraper froid.

Même sa voix n'eut aucun effet pour attirer son attention. Il réfléchit quelques instants à la possibilité de la laisser seule ici, mais sa bonne conscience eut raison de lui.

FR | Song for the Broken | ChilumiWhere stories live. Discover now