6. Un soupçon de révolte

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C'était lundi, et Lumine n'était pas assise sur la plage. Contrairement à ce qu'elle avait prévu, elle était rentrée directement chez elle et s'était enfermée dans sa chambre sans laisser l'occasion à Aether de la questionner quant à son comportement.

Accroupie devant la cage de son hamster, son regard doré observait Paimon courir gaiement dans sa roue. Peu importe ce à quoi elle pensait, la seule chose qui arrivait incessamment à lui remonter le moral, c'était bien son petit hamster joufflu et vorace – surtout vorace. Sa fourrure grise était une petite tâche de grisaille au milieu de la cage, à l'image d'un désagréable entre-deux : pas tout à fait noir, mais pas tout à fait blanc. Un peu comme l'état d'esprit de son maître. Pas assez forte pour revenir vers le blanc, mais pas assez brisée pour pencher irrémédiablement vers le noir.

Et elle n'était pas la seule. Ça, elle l'avait compris en voyant que la main de Childe était bandée. Peut-être se trompait-elle. Peut-être se faisait-elle des idées. Mais elle n'arrivait pas à enlever de son esprit le scénario catastrophe qui lui était apparu.

Elle était effrayée. Et plus que jamais, cette désagréable sensation qui lui attrapait les tripes lui était détestable. C'était pour ça qu'elle n'était pas retournée l'attendre sur la plage. Car elle s'identifiait à lui. Car elle s'était reconnue en lui. Car s'il abandonnait, qu'est-ce qu'elle devrait en penser ?

Elle le croyait plus fort qu'elle à masquer au plus profond de lui-même ses peurs, ses tremblements, ses plaies. Elle le croyait plus solide qu'elle, à continuer sa mascarade sans laisser personne entrapercevoir à quel point il est brisé. Elle le croyait plus stable qu'elle, mais elle se fourvoyait. Si un jour son masque venait à se briser, tout pourrait s'arrêter.

Et c'était ça qui l'effrayait. Car si elle venait à perdre même cette personne inconnue qui comprenait ce qu'elle ressentait, alors elle serait véritablement seule. Se laisser sombrer serait trop tentant.

Ses doigts encore tremblants ouvrirent la cage de Paimon pour lui laisser un peu plus de liberté. Le petit hamster grisâtre ne se fit pas prier pour s'aventurer sur le parquet de la chambre sous l'œil attentif de Lumine. Malheureusement, cette dernière ne réagit pas assez vite quand Paimon décida de slalomer entre les pieds de sa chaise de bureau pour rejoindre le mur derrière. Lumine pesta quelques instants avant de partir à sa poursuite sans délai. Elle savait très bien pourquoi Paimon allait dans ce coin chaque fois qu'un brin de liberté lui était accordé, et ça, elle l'avait appris à ses dépens quand le câble d'alimentation de son ordinateur avait subitement rendu l'âme.

Comme quoi, des quenottes microscopiques pouvaient faire des dégâts.

Avant même que les câbles n'aient le temps de trembler de peur, la main de Lumine s'abattit sur ce petit hamster désobéissant et l'attrapa pour ne pas qu'il file à l'anglaise. Elle se recula, mais en tentant de se relever, elle se cogna le dessus du crâne contre le bord du bureau, l'impact faisant tomber un objet qui devait être en équilibre près du bord. Atterrissant à côté de son genou, une enveloppe scellée se présenta sous ses yeux.

Lumine s'immobilisa en s'asseyant par terre, Paimon vadrouillant entre ses mains. L'enveloppe était immaculée, vide de toute inscription, dénuée de toute couleur. Une simple enveloppe blanche, sans destinataire, et sans le moindre timbre. L'une de ces fameuses enveloppes qui arrivaient toutes les quelques semaines.

Elle ne savait toujours pas de qui provenait ces enveloppes, ni même ce qu'elles pourraient contenir, et ce, pour une simple raison : elle ne les avait jamais ouvertes. Elle les laissait s'entasser dans une pile dans le tiroir de son bureau, en sachant simplement que ça lui était destiné car Aether, qui avait ouvert la première, continuait de les lui poser sur son bureau. Pourquoi ne les ouvrait-elle pas ? Car la première était arrivée quelques jours après l'événement, après que Lumine ait commencé à se replier sur elle-même, à ne plus sortir, à se laisser vivre.

FR | Song for the Broken | ChilumiWhere stories live. Discover now