10. Pardonne-moi

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C'était mercredi, deux heures du matin, et Childe n'arrivait pas à dormir. Peu importe à quel point il recherchait le sommeil, le marchand de sable ne le trouvait pas. Tous ses efforts pour enfin tomber dans les bras de Morphée se soldaient par un échec cuisant.

Il tournait et se retournait dans son lit, un soupir de mécontentement lui échappant alors que le bruit des vagues nocturnes lui parvenait, comme pour rajouter à sa mauvaise humeur.

Une chose était sûre : s'il restait à tourner dans son lit de la sorte, il deviendrait fou. Il lui fallait se changer les idées l'espace de quelques instants pour peut-être avoir une chance d'attraper le sommeil qui persistait à lui échapper.

Il enfila à la va-vite un short et un T-shirt, et sortit de sa chambre pour regagner le rez-de-chaussée tout en lisant ses notifications de téléphone.

Le parquet craqua sous ses pieds nus, sombre menace qui pourrait réveiller les plus chanceux qui avaient trouvé le sommeil avec une facilité déconcertante. Les couloirs étaient obscurs, peu accueillants, la lune projetant des ombres néfastes à travers les grandes baies vitrées côté plage. Le tumulte des vagues agitées était sourd, insupportablement frénétique, faisant frémir Childe de la tête aux pieds.

Ce foyer qu'il se plaisait jadis à arpenter, dans lequel il pouvait se complaire sans jamais rechigner, sur cette terrasse depuis laquelle il pouvait admirer le reflet lunaire sur les eaux tranquilles, ce n'était plus qu'une prison dans laquelle il était obligé de survivre. Toute sa perspective avait été bousculée du jour au lendemain. Son environnement n'était plus qu'une cage dorée qui le haïssait autant qu'elle l'aimait.

En bas, une faible lueur était présente dans la cuisine, signe incontestable d'une présence l'ayant précédé. Devant le comptoir de la cuisine, son père se trouvait là, debout, les mains agrippant fermement le plan de travail, un verre d'eau à ses côtés accompagné d'un emballage vide de médicament. Quand il posa son regard sur son fils, Childe aurait juré avoir vu quelque chose de brillant au fond de ses yeux.

Ils se dévisagèrent quelques instants sans prononcer le moindre mot, la tension montant graduellement entre eux à l'image des derniers jours.

Cela faisait depuis jeudi dernier qu'ils se disputaient constamment tant à cause de son expulsion de l'école de commerce qu'à cause de ce bateau de malheur qui devait être vendu. L'ambiance avait tellement viré au champ de bataille entre eux que même sa mère refusait de prendre parti et d'apaiser les tensions, de peur que ça ne les enflamme de plus belle.

Lassé d'entendre des reproches à foison, Childe avait opté pour la tactique de l'esquive. Quand il sentait la dispute gronder, sur le point d'exploser, il coupait court à la conversation pour filer à l'anglaise, contre l'avis de son paternel.

Mais il revenait à la charge, lui répétant sans cesse qu'il devait l'aider à mettre le bateau hors de l'eau. Peu importe combien de fois il lui avait posé la question, Childe refusait systématiquement. Il ne voulait plus jamais remettre les pieds sur ce bateau, ni plus jamais sur quelque chose de flottant. Même si son père lui l'imposait, il ne céderait pas. Car il en était tout bonnement incapable.

Une main sur la poignée du frigidaire, Childe en sortit une bouteille d'eau bien fraîche qu'il apposa à son front, espérant que le froid apaise en lui cette agitation qui ne cessait de lui retourner le cerveau. Il lui fallait arrêter de réfléchir à mille et une choses pour espérer obtenir ce sommeil tant recherché.

— Ajax, à propos du bateau... débuta son père en ne le lâchant pas du regard.

— Je t'ai déjà dit non, rétorqua sèchement Childe, pour espérer couper court à cette conversation.

FR | Song for the Broken | ChilumiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant