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Mes parents n'avaient jamais été de grands sentimentaux. Ils nous aimaient, c'était certain, et ils s'aimaient, mais même si nous le savions ils n'étaient pas fans des démonstrations d'amour en publique.

Pourtant, j'aimais bien les voir heureux et amoureux, dès qu'ils se tenaient la main discrètement dans la voiture ou en regardant la télévision, ça me faisait sourire. C'était un sentiment étrange de sécurité et de satisfaction. J'étais heureux de savoir mes parents heureux, comme j'étais malheureux de les savoir détruits par ma faute.

Cela faisait désormais trop longtemps que nous nous évitions, je passais mes soirées soit à la plage, le banc devant la maison ou chez Felix, à user mes dernières forces pour le câliner et l'embrasser autant que possible, j'en avais le droit car c'était désormais mon petit ami. J'en étais extrêmement fier et je voulais l'annoncer à mes parents.

Mais si ils continuent à vouloir rester tous les deux dans leur chambre à pleurer sur leurs oreillers tandis que Dongsun se levait et se coucher avec les yeux humides tout en passant la journée à s'occuper de la tornade ambulante qu'était son fils, je n'allais jamais pouvoir profiter de mes derniers instants.

Hier soir, assis sur le banc, mon petit ami et moi étions en train de discuter de notre relation, de nos parents, fallait-il leur faire part de notre situation amoureuse ou était-ce inutile de passer dans l'au delà détesté par ses géniteurs. Felix était renié par ses parents pour ça, et l'harcèlement qu'il avait subi à l'école car il avait osé tomber amoureux d'un camarade de classe m'avait refroidi, je l'avouais, Cependant, j'allais mourir, je voulais au moins partir en étant sûr d'avoir été honnête et juste avec tout le monde, cacher Felix me semblait être terriblement égoïste. Pour le rassurer, je lui avais promis de ne pas dire son nom s'ils réagissaient mal.

Toute la journée, j'étais resté allongé sur mon lit à grimacer chaque fois qu'un violent coup de douleur venait frapper mon crâne ou à devoir prendre un coton pour le fourrer dans le nez avant de prendre le médicament prescrit. J'étais épuisé, terriblement épuisé mais je me sentais encore capable de tenir sur mes deux jambes pendant quelques temps, ça me rassurait si j'osais dire, je sentais que j'avais encore quelques semaines à profiter pleinement avec Felix. La chute allait être terrible mais je m'y préparais petit à petit.

À l'heure du repas, j'avais insisté pour que tout le monde vienne se mettre autour de la table, c'était un ordre. Dongsun avait un peu ronchonné mais finalement elle avait été la première à venir s'assoir. Mon père puis enfin ma mère, Junghyeong dans les bras, avaient suivi.

L'ambiance était étrange, personne n'osait se regarder dans les yeux, le teint livide de ma mère et l'air absent de mon père me firent mal au coeur. Dongsun ne parlait pas mais elle était là, sévère avec son fils dès qu'il commençait à faire un peu trop de bruit. Après quelques minutes, j'en avais eu assez.

- Comment allez vous ? La journée s'est bien passée ? j'avais dit d'une voix forte pour les réveiller.

Ma mère releva les yeux pour me toiser avant de soupirer.

- Et toi ? répondit Dongsun à sa place.

- Ça va. En ce moment il fait beau et doux, j'aime beaucoup aller à la plage c'est super agréable !

- Oui tu as de la chance de pouvoir profiter de la fin de l'été... marmonna mon père avant de terminer son assiette.

- Je compte bien en profiter même en automne ! me défendais je. J'aperçus ma mère serrer son verre d'eau mais ne fit aucun commentaire. Je profite beaucoup en ce moment.

- C'est super... soupira Dongsun avant de lancer un regard noir à Junghyeong qui annonçait qu'il n'avait déjà plus faim.

- J'ai rencontré quelqu'un.

Là, ça les avait immédiatement intéressé. Au fond c'était des petites commères. Même ma mère avait relevé complètement la tête pour me regarder droit dans les yeux tandis que je lui souriais.

- C'est super mon grand... s'était réjouit mon père en forçant une voix enjouée. On la connaît ? Elle vient de l'île ? Tu nous la présenteras bientôt ?

- Ça risque d'être compliqué... Je veux bien vous le présenter, s'il n'est pas trop timide.

Un lourd et long silence plana dans la pièce. Mon père était choqué, Dongsun avait encore soufflé avant de faire sortir son fils de table pour le mettre à la sieste et ma mère était restée muette sans me quitter des yeux. Aucune émotion sur son visage, c'était un peu effrayant.

- C'est... Comment dire... commença-t-il avant de se racler la gorge. C'est-

- On s'en fiche Changbin.

Woaw, pour la première fois depuis des jours j'entendais la douce voix encore rouillée de ma mère. Au fil des secondes, je vis ses yeux se brûler sous des larmes quelle tenta de retenir.

- Comment ça ?

- On s'en fiche Changbin, continua-t-elle, le regard baissé sur ses poings serrés. On te veut avec nous pour toujours, nous. Je veux mon fils pendant encore quatre-vingt ans, moi.

J'avais ouvert la bouche dans l'espoir de trouver quoi répondre mais ma mère était sortie de table dans un bruit fracassant avant de retourner s'enfermer dans sa chambre.

Bouche bée, mon regard s'était porté sur mon père qui avait la tête baissée sur son assiette vide.

- Désolé... j'avais murmuré.

- Ne t'excuse pas, tu sais comment elle est... Laisse-lui un peu de temps et-

- Mais du temps je n'en ai plus, papa ! C'est maintenant qu'il faut qu'on se parle, qu'on s'amuse, qu'on rigole, c'est maintenant ! je m'étais écrié avant de soupirer.

- Excuse-nous mais du jour au lendemain on apprend qu'on va devoir enterrer notre fils, c'est un petit peu difficile à entendre ! s'énerva-t-il. Dès l'instant où on a su qu'on allait avoir Dongsun, puis toi, ta mère et moi nous étions juré de vous protéger quoi qu'il arrive... Il marqua un temps de pause. Ses yeux se noyaient sous de grosses larmes, son regard fuyait. Laisse-nous le temps de comprendre que nous avons lamentablement échoué, avait-il conclu avant d'aller s'enfermer à son tour.

J'avais fixé le couloir qui menait jusqu'au chambre avant de fermer les yeux pour repenser à la superbe idée de repas de famille que j'avais eu. Génial, tout le monde s'était à nouveau enfermé. J'avais qu'une envie, courir devant eux et leur hurler dessus pour qu'ils se réveillent. Leur crier « Allô je vais mourir dans quatre mois, pourquoi vous ne pleurerez pas après ? ». C'est vrai quoi, moins de six mois c'est pas très long, ça passe même trop vite.

Mais j'étais resté assis sur ma place à essayer d'ignorer les pleures de mes parents.

REGARDE MOI. changlixWhere stories live. Discover now