7 - 𝕰𝖗𝖒𝖎𝖙𝖊

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Barton détestait les proverbes et les citations. Il les trouvait fausses, et parfaites pour un monde de bisounours où tout le monde s'aime, s'enlace et s'embrasse. Il avait déjà, par exemple, fait les frais de "Après la pluie, le beau temps" ou encore, "Une de perdue, dix de retrouvées". Ce matin, à l'aube, "La nuit porte conseil" rentra sur la liste. En effet, l'enquêteur avait cogité toute la nuit, passant ainsi à côté d'une bonne huitaine d'heures de sommeil. 

Lui, l'homme le plus talentueux de la région dans sa profession, se retrouvait du jour au lendemain dans l'appréhension de perdre son métier. Il trouverait toujours un autre poste dans les kilomètres, mais au fond, il se foutait royalement du poste. Ce qui l'importait, semblait l'enquête pour le maire de Berwyn. Il était prêt à tout pour régler cette affaire qui le tenait tant à cœur, quitte à prendre les plus dangereux risques de toute sa carrière. 

Face à la lune qui brillait seule, dans l'obscur ciel, Barton avait essayé d'imaginer, tous les scénarios possibles. Le commissaire Benders serait-il prêt à refusé la demande de Barton ? Et si oui, quel avenir pourrait-il espérer ? Comment réagirai le maire à cette nouvelle ? 

Dans tous les cas, il s'agissait d'une question de dignité. Et dans ce monde, c'est la seule chose qui passait avant l'argent. 

♦ ♦ ♦ ♦ ♦ ♦ ♦ ♦ ♦ ♦

Ce matin-là, Barton éprouvait une importante angoisse. Pour escamoter ses cernes, l'homme emprunta le maquillage de sa femme.  Il devait plus que jamais faire bonne impression auprès du commissaire. 

Bien que la circulation fut dense, le temps passait néanmoins rapidement. L'homme paraissait angoissé, effrayé, paniqué, à l'idée d'entendre la réponse définitive de son supérieur. Après être entré dans son lieu de travail, il se dépêcha d'aller dans le bureau du commandant, qui l'attendait de pied ferme.

"—Bonjour, fermez la porte et asseyez vous Barton —son ton paraissait froid et strict.— Comme vous devez le savoir, vous m'avez laissé hier soir un dilemme cornélien. Je me suis dis que vous étiez un élément pour le moins important dans cette équipe, et que, bien évidemment, votre talent ne pouvait être ignoré.

—Merci, merci beaucoup.

—Néanmoins, il est hors de question d'oublier les valeurs et les règles de notre métier. Nous devons travailler pour le peuple, pas pour plaire à l'élite. Entre vous et moi, vous pouvez me dire que vous vous obstinez à garder cette affaire pour profiter d'injustes primes. Chaque membre de la police se doit de protéger le peuple. Chaque membre de la police se doit de faire passer la sécurité avant ses envies personnelles. Chaque membre de la police se doit d'être prêt à donner sa vie pour sauver le monde. Chaque membre de la police se doit d'agir comme un héros !

—Non ! Rétorqua Barton. Non ! C'est complètement faux ! Je pense réellement être le seul à pouvoir résoudre cette enquête. Je vous en supplie M. Benders..-Une réélle inquiétude envahissait son esprit- Je vous assure qu'il s'agit bien plus que d'une envie d'argent. Cette histoire est peut-être la plus importante de toute ma carrière !

—Mais que racontez vous ? Vous perdez la tête ou quoi ? Cette affaire n'est que dérisoire comparé à vos capacités ! Dites moi donc ce que cette enquête a de si passionnant et important !

— Je... Je ne sais pas... Enfin... Le maire compte beaucoup pour moi, et, la confiance qu'il me donne ne peut être gâchée. L'argent est le cadet de mes soucis. Ce que je vous demande, c'est simplement pour aider le maire. C'est peut être mon seul ami et je vous assure que ce serait une torture d'être dans l'incapacité de l'aider. 

—En ne vous soumettant pas à mes ordres, vous instaurez une ambiance de travail ingrate pour l'entièreté de vos collègues ! J'entends vos réclamations mais je vous ai connu bien plus professionnel que cela. Vous devez le savoir, l'amitié, comme l'argent n'a rien à faire dans des résolutions d'enquêtes. Votre talent ne doit pas entraîner une certaine arrogance de votre part. Vous avez, dans cette brigade, les mêmes privilèges, droits, et devoirs que chacun. Je vous laisse donc un dernier choix ; une affaire plus importante, ou la démission.

—Vous savez ma réponse, au revoir. Alors, il se leva de sa chaise et partit, avant que M.Benders lui dit ces dernières paroles.

—Vous me décevez Barton... Je transmettrais cette affaire à un de vos collègues."

Sans même répondre, Barton claqua la porte, laissant ainsi comme derrière image auprès de son supérieur, celle d'un homme furieux, incapable d'accepter un "non". Son choix était maintenant clair. Dévasté, il sortit du commissariat, devant les visages de ses collègues qui le regardaient. Ils paraissaient, eux aussi, sous le choc de cette décision. Certains s'essayaient à la comédie, en soufflant de tristesse et de déception. Tandis que d'autres ne cachaient leur plaisir et leur fierté de voir partir cet homme si solitaire et narcissique. 

De retour dans son automobile, il se préparait à rentrer au foyer. Il demeurait impossible pour lui d'annoncer à son épouse cette nouvelle. Il garderait tout pour lui, en priant pour que la vérité ne le rattrape pas trop tôt.

Pour embellir cette mélancolique journée, il décida de se promener au plus beau parc de sa ville. La saison automnale offrait un magnifique cadre, où les feuilles allant du rouge au jaune, traînaient sur le sol et créaient ainsi, un magnifique tapis qui craquait sous les pas des gens. Les arbres dénudés bordaient le sentier, et au loin, on voyait un lac où quelques canards se prélassaient. Barton, au costume simple et au teint sombre, se réconfortait en écoutant les bruits des oiseaux nichant au fond des branches, et des quelques enfants qui s'amusaient. Ce lieu de vie plaisait à l'enquêteur, bien qu'il donnait l'impression d'un homme aussi vivant que le trépas.

Marchant entre les peupliers, Barton se rendit soudainement compte de deux choses. Il n'avait aucun ami, et maintenant, aucun travail.

Mais qu'importe pour lui, si personne ne l'aimait, alors, il allait continuer à avancer seul. Pas besoin de salaire, il toucherait sa prime en fin d'enquête. Pas besoin de collègues, ils ne servaient qu'à s'incruster dans son travail et à perdre un temps précieux dans la recherche du fugitif. Pas besoin de supérieur, il prenait de vos nouvelles juste avant de vous annoncer le pire. Juste besoin d'un femme et des enfants, qui demeuraient un soutien infaillible, d'une intelligence et d'une perspicacité impressionnante, et de quelques heures, avant le début d'après-midi.

Il en était maintenant décidé, il allait réaliser cette investigation seul. 

La vérité équivoqueKde žijí příběhy. Začni objevovat