0.5 | Chasseuse et proie.

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| Lysandre |

24 novembre, 21:53, 33 rue Dionysos

Ma salive est acide. La douleur qui se propage dans ma gorge à chaque fois que je déglutis déforme les traits déjà peu sereins de mon visage. Ma robe noire me colle à la peau de la façon la plus simple possible. Je dois absolument me fondre dans la foule, ne pas me faire remarquer. Je sers mon long manteau noir contre moi et pousse la porte du Pandora dans une expiration pleine d'encouragements.

Pense à tes réponses.

T'es venue pour ça.

T'as un seul but ce soir : récupérer des pièces du puzzle.

La soirée du bar rouge bat déjà son plein. D'un simple coup d'œil, j'observe un instant chaque visage.

Seulement, ma cible n'est pas le Pandora, mais la face cachée du bar de mademoiselle de Marti, nommée Le sins.

Inspire.

Je prends une grande inspiration et avance vers le fond de la salle. La musique bat son plein, les gens s'amusent, dansent, boivent, sans se douter que quelque chose s'organise juste sous leurs pieds. Je distingue deux barmaids que je n'ai jamais vu, mais continue ma route, pousse les corps brûlants et transpirants, et ne lâche pas mon objectif de mon champ de vision.

Quand j'arrive vers le fond, je remarque enfin deux hommes habillés de noir devant les escaliers. Leur sérieux ne les quittent pas quand ils posent leurs pupilles sur moi. Mon cœur tape dans ma cage thoracique. Je n'ai aucune raison de paniquer, mais mon corps a comme toujours été étrangement relié à la voix dans ma tête.

C'est pas ta place.

T'es bien trop inutile pour assister à ce genre de soirée.

Quand j'essaie de la faire taire, elle se manifeste dans mes organes par des rythmes cardiaques élevés, des tremblements, des nausées... Elle est agrafée à ma peau si fort que j'en saigne même de l'intérieur.

Dans une attitude qui se veut emplie d'assurance, je leur tend l'invitation que j'ai au préalable imprimée. L'armoire à glace de droite récupère mon bout de papier et en lit son contenu, le visage fermé.

Dis quelque chose, ça me stresse.

Pièce d'identité s'il vous plaît, lâche-t-il finalement d'un ton froid.

Je sors de mon petit sac qui pend sur mon épaule, la carte qui renseigne toutes les informations sur ma personne, et la lui tend.

Son regard passe de sa main, à mon visage, deux ou trois fois, avant qu'il ne me rende les deux documents.

Allez-y.

Merci, passez une bonne soirée messieurs.

Pas un sourire, pas un « Vous aussi mademoiselle », rien. Je gonfle mes poumons et m'aventure dans les escaliers en colimaçons. Le long des murs sont accrochés des néons blancs qui éclairent les marches. Chaque pas que je fais, est un nom qui percute la paroi de ma boîte crânienne.

Camila de Marti.

Orlando Estrella.

Voss.

Bruce Stephenson.

Comme un mantra, ils se répètent dans ma tête. Je ne dois pas perdre mon objectif de vue, j'ai trois cibles, il est hors de question que je reparte bredouille. Personne ne sait que je viens, pourtant au moins deux personnes m'attendent : Camila et Orlando. Et il ne va pas falloir que ça handicape mon anonymat. Je suis hantée par des fantômes au quotidien, ça ne doit pas être si compliqué d'en devenir un.

Broken ButterflyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant