11 | Lya

462 22 8
                                    

~ Il y a 10 ans ~

| Orlando |

Je n'ai absolument aucune idée de ce que raconte le prof. Pourtant, je vois bien que son regard se porte sur moi, dans l'espoir ultime que je me concentre sur son cours, mais je ne peux pas. La raison tient en un seul nom : Baptiste.
Je l'observe sourire, et parler à ses potes, tous assis au premier rang. Je ne les quitte pas une seule seconde des yeux. Je les fixe même lorsque le coq principal se retourne pour me jeter un regard assassin avant de me pointer "faussement" discrètement du doigt.

Baisse ton doigt enculé. Tu ne vas pas rigoler longtemps.

Tu veux pas te calmer, le prof nous fixe, me chuchote mon voisin de table.

Clément me donne un coup de genoux pour que je stoppe les tressautements de ma jambe. Mais à part masquer les signes physiques, cela ne me permet pas de décolérer.

Ma gorge se serre.

Plus les minutes passent, plus je redoute le moment où il n'y aura plus M. Leclair pour me forcer à me contenir. Concentré sur ma cible, je ne sens même pas mon pote me pincer le coude.

Pense à ce que te dis Lya, et arrête de trembler, me glisse-t-il, la tête baissée vers sa feuille.

Pense à ce que te dis Lya.

"Ne fais pas subir aux autres la douleur qui coule dans tes veines. Ta colère n'est que le résultat du petit garçon qu'ils ont écorché en silence. Inspire, expire et concentre toi sur l'oxygène qui emplit tes poumons. Rien d'autre."

Pour la première fois depuis le début de l'heure, je détourne le regard de l'autre con et ferme les yeux, la tête baissée pour éviter de me prendre les foudres de mon prof.

Inspire.

Expire.

Concentre-toi sur l'oxygène dans tes poumons.

Concentre-toi.

J'essaie de visualiser mentalement le trajet de l'air dans mon corps. Il entre, gonfle mes muscles, puis s'en va, comme si de rien n'était.

Après plusieurs inspirations, je sens doucement ma colère se calmer, comme si j'avais baissé la température de la plaque de cuisson et que l'eau arrivait petit à petit à s'arrêter de bouillir.

Désormais, un peu plus calme, je relève la tête et me concentre enfin, à 10 minutes de la fin, sur le cours. J'ai beau ne rien comprendre à la philosophie, je dois avouer que M. Leclair semble savoir de quoi il parle. Il est impliqué, et motivé. Tout le contraire de moi.

Lorsque la sonnerie retentit enfin, ma main gauche chope l'index de ma main droite et le tort le plus fort possible.

Retiens-toi.

Tu lui as promis.

Orlando, retiens-toi.

Les élèves commencent à sortir dans un boucan assourdissant. Un vrai troupeau se rue vers la sortie, et dans cette foule, je le distingue. Sa coupe blonde de merde, ses yeux de vipère, et surtout je reconnaîtrai sa voix d'enfoiré entre milles. Il passe devant moi en me fixant, un sourire amer sur les lèvres. Inconsciemment, je fais craquer mes phalanges une à une.

Orlando...

Il me cherche Clem', regarde comme il me cherche putain...

Ce duel de regard dure jusqu'à ce que le blond quitte la salle, coupant ainsi le contact visuel. Le visage encore tourné vers la porte, je ne vois pas le coup arriver. Clément me frappe l'arrière du crâne dans un soupir réprobateur.

Broken ButterflyWhere stories live. Discover now