Chapitre 19

2.3K 374 26
                                    

Amy

Assise sur mon lit, jambes repliées, la tête sur mes genoux, j'ignore royalement Bilal qui s'acharne contre la porte de ma chambre.

- Doyna ( ça suffit), elle sortira quand elle en aura envie.

- Mais papa cela fait déjà une semaine et elle ne va pas à l'école, pire elle refuse de se nourrir. A ce rythme elle risque de tomber malade.

- Laisse-la faire son deuil à sa manière, elle n'est qu'une enfant et elle vient de perdre son amie.

Je les entendais parler dans le couloir et je remercie grand-père de respecter pour une fois mes choix.

Oui j'ai perdu mon amie et ça me fait mal mais ce qui me fait plus mal c'est de l'avoir vu avant que ça n'arrive.

Jusqu'à la semaine dernière il ne m'était jamais arrivé d'avoir une vision, si je peux l'appeler ainsi. Je ne sais pas si c'est dû aux leçons que j'ai avec Doc mais si voir des gens mourir est une chose que je dois subir, je ne veux pas de ce don, je préfère me débrouiller autrement pour me venger qu'avec cette malédiction, oui malédiction car personne ne devrait pouvoir voir la mort d quelqu'un sans pouvoir l'aider.

- Aminata, ouvre cette porte s'il te plaît. Me supplie-t-elle d'une voix sanglotante de Djamila.

Depuis une semaine, chaque jour, les filles venaient le soir et toquaient à ma porte jusqu'à se lasser et repartir sans que je leur ouvre.

- Amy, nous savons que tu as mal mais ce n'est pas ainsi que tu vas surmonter ta douleur.

- A..m.my, on a b..be..soin de t..toi.

- J'ai peur la nuit tu sais. Quand je ferme les yeux je les vois l'emmener sur la civière et je me réveille aussitôt. Cette fois c'est Leïla qui parle.

Et moi alors comment dois-je me sentir, j'ai vu sa mort putain, avant même qu'elle ne se produise. En seulement quelques mois passés ensemble, Ramata et les filles sont devenues les amies que je n'ai jamais eu, des sœurs même je dirais. Si c'était possible j'aurais échangé ma vie contre la sienne, elle, au moins, a une famille qui l'aime, des personnes qui tiennent à elle.

Les gens ont peut-être raison de dire que je suis sorcière. D'abord mon père, puis ma mère, la vieille Absa et maintenant une de mes meilleures amies. Je sème la mort là où je vais. Je ferais peut-être mieux de quitter cette maison avant que quelqu'un ne meurt de ma faute.

Debout devant le miroir, je regardais mon reflet mais tout ce que je vois, c'est un monstre aux yeux de couleurs différentes qui tue sur son passage. Un objet se matérialise dans mon champ de vision. Je tourne légèrement pour étudier l'objet en question qui semble me supplier de le prendre.

Quelques pas et je me trouve devant une paire de ciseaux posée sur la coiffeuse et la fixe un long moment avant de la prendre et la lever dans l'air.

Je sors de la douche et tombe sur cette pipelette de Bilal qui me regarde avec de gros yeux de la tête au pied.

- Belle coiffure. Bizarrement elle te va bien mais diank tu as vraiment fait un horrible travail, je vais t'amener chez le coiffeur demain pour qu'il arrange ça.

- d'accord.

- Tiens. me tend-il un sac en plastique. Je sais que tu raffoles de viande grillée, je t'en ai alors acheté. Fais l'effort de manger s'il te plaît. Tout le monde s'inquiète pour toi.

- Merci mais je n'ai pas faim.

- Aminata Bodian, sois raisonnable et mange. En une semaine tu as perdu du poids à force de te priver de nourriture. Ton amie est morte mais toi tu es vivante, tu dois continuer à vivre. Penses à ce qu'elle doit ressentir de là où elle est en te voyant ainsi. Et comme disait Birago Diop, les morts ne sont pas morts. Ton amie restera vivante dans ton cœur alors chérie tous les souvenirs que tu as d'elle et continue de vivre.

TalionWhere stories live. Discover now