PROLOGUE

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« À quoi sert-il de lire, » avais-je pensé comme s'il s'agissait d'une devinette ennuyante, « quand on peut simplement regarder des images ? » Je commençais à en avoir assez de la chaleur étouffante qui engourdissait l'esprit

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« À quoi sert-il de lire, » avais-je pensé comme s'il s'agissait d'une devinette ennuyante, « quand on peut simplement regarder des images ? » Je commençais à en avoir assez de la chaleur étouffante qui engourdissait l'esprit. J'étais assise sur une branche de chêne à ne rien faire depuis bien trop longtemps. Je transpirais déjà à grosse goutte, ma robe était toute tachée de boue et j'avais mal aux fesses. « Cal,» avais-je alors marmonné, ennuyée. Mais mon frère semblait trop absorbé par l'ouvrage qu'il lisait pour remarquer ma lassitude. Une fois ou deux, j'avais jeté un coup d'œil sur le roman : il n'était constitué que de lignes de narration.

J'allais le bouder. Si j'avais tenu à le suivre dans le jardin c'était par plaisir de cueillir des pâquerettes et d'en faire une couronne. Ce que j'avais fait. Il m'avait pourtant promis d'aider, ce qu'il semblait oublier. Une main au-dessus des yeux pour défier les rayons du soleil qui pénétrait l'ombrage des feuilles du grand chêne, les pieds battant dans le vide, j'avais eu une illumination.

J'avais sauté à pieds-joints de la branche d'arbre sur laquelle j'étais assise de sorte à faire un grand bruit à ma réception au pied de l'arbre. « Bouh ! » avais-je fait à l'oreille de mon frère. Mais il n'avait pas bougé d'un pouce. Je lui avais de nouveau fait la tête. Tout ça à cause d'un satané bouquin, barbant à en mourir, en plus. 

J'allais ajuster la couronne de pâquerettes sur mes cheveux blonds quand j'avais aperçu quelque chose près du vieux puits. « Tu as vu ça ? » avais-je demandé sans quitter le paysage des yeux. La chose était trop rapide pour que je puisse l'identifier. Elle était passée par une haie et s'était jetée dans le vieux puits un peu plus loin telle une ombre.

Mon frère avait soupiré. Il avait enfin plié le coin de sa page et m'avait jeté un regard interrogateur sous ses lunettes carrées. « Quoi ? » J'avais à présent toute son attention. Néanmoins, cette forme étrange que j'avais entrevue m'intriguait trop pour avoir même écouté mon frère. Sa voix résonnait dans ma tête comme au fond d'un tunnel : « Alice, tu te fiches de moi ? Quoi ? » Il m'avait saisi par les épaules pour que je me détourne du puits. « Un lapin blanc aux yeux roses ? Qui tire une montre de son gilet et qui s'écrit 'Mon Dieu, mon Dieu ! Je vais être en retard !' c'est ça ? »  Il s'était moqué en arrachant ma couronne de fleurs blanches. Mes cheveux étaient retombés sur mon visage, ébouriffés. J'avais fini par reprendre mes esprits. « Non, » avais-je admis. Puis un grand sourire m'avait pris. « Regarde plutôt un livre volant ! »  Sur ces paroles, je lui avais pris son roman et je me suis enfuie vers la maison en ricanant.

C'était une journée d'été, le ciel était clair et dégagé. Pas un seul nuage à l'horizon. J'aurais préféré qu'on aille à la mer pour se tremper les pieds, ou même en ville pour se coller aux vitrines des magasins de jouets. Aller manger de la barbe-à-papa à la fête foraine. Faire peur aux mouettes qui volent le poisson sur le port. Peu importait. Je voulais quitter cette prison de campagne pour un seul instant, découvrir ce dont le monde, le vrai, avait l'air. Mais ces choses-là, je ne pouvais les imaginer qu'à travers les histoires que me racontait Cal. Des livres sans images ni dialogues ou des anecdotes après les cours à l'école. Ces choses que je n'aurais jamais pu vivre moi-même.

Alice au Pays de l'AilleursKde žijí příběhy. Začni objevovat