CHAPITRE VIII : Le Terrain de Croquet de la Reine

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De grands rosiers se dressaient aux portes de la prairie : leurs roses étaient blanches, mais trois suricates-jardiniers s'affairaient à les peindre en rouge

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De grands rosiers se dressaient aux portes de la prairie : leurs roses étaient blanches, mais trois suricates-jardiniers s'affairaient à les peindre en rouge. Alice était assise devant une grande toile, à la frontière entre le soleil et la lune. Elle portait une longue robe blanche et ses cheveux étaient tressés de fleurs colorées. 

Autour d'elle, des tableaux sur chevalets offraient un spectacle de musée. Seulement, à la différence des anciennes peintures, celles-ci retranscrivaient un Royaume des Loups dont les arbres étaient fissurés comme de vieilles poupées en porcelaine et dont la lune n'était plus qu'une tache argent dans le décor. Un Royaume des Eaux dont les habitants avaient été figés en plein milieu du quadrille des homards. Un Royaume de Brume qui voyait son mauvais temps typique levé et dont les Monstres n'étaient plus que des bouts de champignons à moitié entamés... Un Royaume des Sorts qui n'était plus qu'une marre noire. Et la Terre Meurtrie, elle, triomphait de ses magnifiques paysages d'illusion. C'était sur cette peinture-là qu'Alice travaillait encore.

Cal ne s'était pas tout de suite aperçue qu'il était de nouveau visible. Ce n'était qu'en trébuchant sur un pot de peinture rouge qui s'était répendue sur l'herbe verte qu'il l'avait réalisé. En levant la tête, il avait rencontré le regard étonné de sa sœur. Il était resté immobile, hésitant, presque apeuré, mais Alice s'était précipitée dans ses bras en manquant de les renverser tous les deux. Elle l'avait enlacé, contente de le revoir. Elle sentait l'été, le soleil, le ciel bleu. 

« J'ai trouvé tes lunettes. » avait-elle signifié avec un grand sourire, et elle avait sorti ceux-ci de sa poche pour les lui mettre sur le nez. Même si les verres étaient encore fissurés, Alice n'avait pas jugé nécessaire de les réparer. Cal non plus n'en voyait pas l'importance. « Jouons au croquet ! » avait-elle complété en le tirant par la main. Elle avait délaissé sa peinture pour l'entrainer près du carrousel.

Cal n'avait jamais vu de terrain de croquet aussi étrange ; il était tout en creux et en bosses ; des hérissons et des flamants vivants servaient de boules et de maillets. Des ustensiles de cuisine étaient tout tordus pour figurer des arceaux. On aurait dit une partie improvisée sur un terrain improvisé. Alice maniait son flamant avec tant d'assurance que son frère, ignorant tout de ce jeu, avait décidé de se donner une chance. La fillette avait l'air heureuse, mais le garçon bouillonnait d'inquiétude. Il voulait l'attraper par la main et fuir, loin, mais il ignorait comment s'échapper du Pays de l'Ailleurs. 

Le carrousel s'était alors éclairé et avait commencé à tourner silencieusement un peu plus loin. Cal aurait préféré ce jeu-là à celui qui consistait à taper dans des hérissons inoffensifs. Derrière le manège, des silhouettes inertes les observaient comme des statues : il s'agissait ni plus ni moins d'humains aux masques et aux coiffes animales portant des bouquets de roses rouges.

Devant ce spectacle, Cal avait brisé le silence du jeu de croquet, lourd de questions : « Qui est-ce ? » Alice s'était alors arrêtée de jouer un instant. Elle l'avait observé avec ce sourire qui ne l'avait pas quitté et sans même suivre son regard, avait déclaré : « Personne. » Cela rappelait à Cal le désagrément que procurait ses questions. Sa propre sœur en était ennuyée. Il les avait pourtant enchainé sans se décourager : « Pourquoi ont-ils le visage caché ? », « Pourquoi sont-ils ici ? », « Vas-tu les nommer, eux aussi ? » Mais au milieu des stridulations des criquets, le maillet-flamant d'Alice avait frappé un hérisson plus loin. Cal, embarrassé, avait suivi son mouvement, mais la boule du garçon avait atterri près des hommes et des femmes étranges. 

Alice au Pays de l'AilleursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant