Epilogue

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Mon cher Cal,

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Mon cher Cal,

Il fait froid. Je me sens tomber vers les profondeurs. Il fait noir, aussi, malgré la lueur du clair de lune au-dessus de moi. Je m'engouffre dans les eaux de plus en plus profondément. J'ai si sommeil. 

J'aimerais dormir et me réveiller aux rayons du soleil qui brûlent la peau. J'aimerais grimper aux branches du vieux chêne et balancer mes pieds dans le vide. J'aimerais visiter un univers où les mouettes chantent au-dessus des vagues, où le soleil fond sur le paysage. Les bateaux passeraient dans les quais, les montgolfières monteraient haut dans le ciel, au milieu des oiseaux migrateurs. Il ne ferait jamais plus noir, jamais plus froid. Tout serait normal, si normal. Mais il me faut ouvrir les yeux. Rien de tout cela ne m'appartiendra plus jamais.

Si je coule, c'est pour entraîner le Pays de l'Ailleurs avec moi. Ni lui, ni moi n'avons notre place dans ce monde. Nous devons disparaitre. Ombre, surtout. Et moi avec.

Ne t'en fais pas pour moi, je vais bien. Je ne me suis jamais sentie aussi bien.

Non, c'est faux. Mais voilà la dernière pensée qu'il faudra que tu aies de moi : ma sœur, Alice, est une héroïne. Elle s'est sacrifiée le sourire aux lèvres.

Dans un monde idéal, j'aurais vaincu l'Ailleurs. J'aurais triomphé de moi-même et on se serait réveillés tous les deux de ce cauchemar. J'aurais voulu que ça se passe ainsi. Ce serait tellement plus simple. J'aurais voulu pleurnicher pendant des heures dans tes bras, coupable de tout le mal que j'ai causé, de toutes ces vies qui m'ont été sacrifiées, et de ce bonheur illusoire dans lequel je baignais. J'aurais voulu prouver à maman et papa qu'ils ont tort. Que je mérite de vivre. Au moins un peu encore. 

Mais j'explose, Cal. J'ai mal, je souffre, j'ai peur. Je n'ai que neuf ans. On n'est pas censé vivre sa mort à neuf ans.

Je me console pourtant à l'idée que lorsque tout sera fini, tu te réveilleras adossé au puits. Sain et sauf. Il ne pleuvra plus, mais tu seras encore un peu trempé. Tu penseras t'être réveillé d'un rêve : un rêve étrange qui implique une fille loup dans une forêt, une Elf des eaux dans son mutisme, des poissons qui nagent dans le ciel, des créatures de brume, un homme-chenille, des portes infinies, une drôle de femme en noir, ses deux frères, son bébé-cochon et son époux, un dîner aux chandelles sur une table trop grande, un dé à coudre. Et ce sera tout. Pas de Terre Meurtrie, pas de peintures, pas de menace ni de danger, pas de convives-animaux, pas de Samouraïs-de-Brume. Pas d'Ombre, pas d'Alice.

Tu vivras une vie tranquille en m'oubliant. Tu voyageras dans le monde, tu verras des pays merveilleux, tu feras des rencontres et tu liras aussi, beaucoup. Alors, va. Va sans te retourner. Et au milieu des flammes, je te regarderais depuis le Pays de l'Ailleurs.

Affectueusement,

Alice. 

 

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Alice au Pays de l'AilleursWhere stories live. Discover now