Lettre VI

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Aujourd'hui, Geneviève m'a invitée chez elle pour aller boire le thé. Je me suis laissée tenter. Quand je suis arrivée chez elle, elle m'a proposé qu'on aille s'installer dans son salon. Il donne sur un jardin que j'ai trouvé magnifique. On a commencé à discuter de tout et de rien, puis à un certain moment elle m'a posé une question très franchement. Elle m'a demandé comment ça faisait que je sois encore en vie. Je n'ai pas vraiment compris sur le coup. Je lui ai demandé pourquoi elle me posait cette question et elle m'a expliqué qu'elle sentait que j'avais une énergie vitale très basse. Visiblement, ça l'inquiétait beaucoup. Elle m'a avoué qu'elle pensait que j'allais bientôt mourir. L'entendre le dire m'a beaucoup choquée. En fait, ça m'a fait bizarre d'entendre quelqu'un d'autre que moi parler de ma propre mort. Je ne sais pas si elle a dit ça pour susciter une réaction de ma part mais ça m'a pas mal secouée. Je ne savais pas vraiment quoi répondre. Je lui ai simplement dit que si ça pouvait la rassurer, je ne comptais pas rendre l'âme dans son salon. Ça l'a fait beaucoup rire, et moi aussi. C'est marrant de rire. J'avais oublié.

D'ailleurs, en parlant d'oubli, je ne t'ai pas raconté le rendez-vous que j'ai eu chez ma psychologue. C'était très étrange, c'est comme si elle sentait que je lui mentais sur certains détails. Elle a commencé à me poser des questions qui étaient de plus en plus précises. J'ai senti qu'elle ne voulait pas me brusquer mais elle devenait de plus en plus insistante. D'un côté, j'ai l'impression que je peux lui faire confiance, mais de l'autre je me dis que c'est trop dangereux et que ça ne vaut pas le coup.

En rentrant, j'ai craqué... J'ai encore craqué parce que tu me manques. J'aimerais tellement qu'on retourne chez Giselle une dernière fois, qu'on se balade sur la promenade et qu'on aille se prendre une gaufre. J'aimerais juste de te serrer dans mes bras, te sentir contre moi. Pourquoi est-ce qu'on m'a volé ça ?

Tu sais Tom, je m'en veux pour la lettre que j'ai écrite hier. J'ai tellement honte. J'ai écrit sous le coup de la colère, comme une égoïste, alors que tu es mort et que tu n'as rien demandé. C'est juste que je me sens seule et que ça me broie de t'avoir perdu. Ça me bouffe.

Je ne souhaiterais même pas à mon pire ennemi de ressentir ce que je ressens en ce moment. Je ne comprends même pas comment les personnes qui ont vécu la même chose font pour se reconstruire. J'ai juste besoin de comprendre Tom. J'ai besoin de savoir qui t'a fait ça et pourquoi. J'en ai besoin pour pouvoir avancer, pour pouvoir faire mon deuil. Je dois savoir si oui ou non je suis responsable de ta mort. 

Je ne lâcherai pas. 

NadiaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant