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𝐦𝐚𝐫𝐢𝐧

Devant moi, mon journal de bord me fait de l'œil. J'essaie de ne pas le regarder mais son attraction est bien trop forte. Des centaines de mots fusent dans ma tête, se mélangeant aux émotions qui ne cessent de voyager en moi.

Je ne peux me contenir plus longtemps alors j'allume mon téléphone, lance de la musique et prends un stylo avant de noter tout ce qui me vient.

« Tout allait bien, comme tout le temps à vrai dire. Notre bateau flottait sur l'eau tandis que notre tour du monde battait son plein. On s'approchait de la France après un séjour de plus de deux mois au Brésil. C'était vraiment une expérience extraordinaire, bien que trop courte, comme les autres. Néo était rayonnant et maman souriait sans arrêt, un peu moins qu'avant. Peut-être était-ce dû à l'approche de cette date ? Je ne savais pas.

Savoir que tout allait bien et qu'à tout moment, tout pouvait aller mal, me faisait mal aussi. Et le seul responsable était encore et toujours lui. Même s'il n'était plus là, l'impact qu'il avait sur nous était le même. Malgré tout ce qu'il s'est passé je ne peux m'empêcher de l'aimer. C'est mon père après, tout ! Mon connard de père, mais c'est mon père. Que je le veuille ou non. C'est lui le portrait craché de Néo et c'est lui qui a permis à notre mère de nous avoir.

Mais je le hais plus que je l'aime. Quoi qu'on me dise, cette vérité est la meilleure.

Puis on a eu cet incident, ou deux même. Notre moteur a décidé de rendre lame en même temps que mon cœur.

Il a commencé à battre, je crois. Un peu plus vite et plus fort. Je me suis découvert une passion pour embêter une fille. Une fille bien qui aime tout autant que moi cette passion. On se cherche mais elle ne semble pas me trouver, autrement que pour me tacler, j'entends. Enfin bon, elle est comme elle est, je suis comme je suis et on se déteste. On se déteste profondément, notre haine est aussi profonde que l'océan. (Cette comparaison reste à définir, j'suis pas sûr que ça lui plaise.)

Elle a des amis, comme moi avant. Je me rappelle ceux que j'avais en Guadeloupe et les quelques-uns que je me suis fait durant nos dernières escapades. Je vivais des moments incroyables, aucun mot ne peut les décrire pleinement.

Mais je n'en ai pas besoin. Tous les trois, ça me suffit. De loin même. Pas besoin d'eux et de leur amour mutuel.

Ah et j'ai failli oublier. On vit à nouveau dans une maison. Elle est incroyable et merveilleusement belle. On est tout près de l'océan, il me faudrait seulement quelques pas en étant somnambule pour me noyer. Sauf que je ne le suis pas, à moins que je ne le sache pas. Peut-être que je le suis en fait ? Comment faire pour le savoir précisément ? La nuit, tout le monde dort, personne ne s'occupe de savoir si quelqu'un marche en dormant.

Enfin bref, ce n'est pas important. Pourquoi je parle de ça moi ? 

J'aimerai t'appeler journal sauf que je ne suis pas si cul-cul que ça. Peut-être qu'un jour tu auras un vrai prénom ? Jean-Patrick ? Michel-Louis ? Ou même Bertille ? Es-tu un homme ou une femme ? Telle est la question. »

Je pose mon stylo au moment où je sens que mes pensées ne me mènent à rien d'intéressant. Au début, ce journal de bord me servait à suivre notre parcours puis depuis quelques temps, il conserve l'intégralité de mon esprit. Des fois j'y écris des blagues ou des conversations qui me passionnent. J'essaie à des moments de les placer dans la vraie vie, le plus souvent, sans que ça donne quelque chose d'extraordinaire.

D'un coup, ma porte s'ouvre en grand. Je range à la va-vite mon carnet sous ma couette, comme si c'était un crime. Ma mère s'accoude au chambranle, les bras croisés et je me passe la main dans les cheveux, pour que les boucles qui pendent devant mes yeux se mettent vers l'arrière. Elle vient s'assoir sur mon lit, à ma droite, son éternel sourire sur ses lèvres.

Let Somebody Go T.1Where stories live. Discover now