Révolution

Chapitre 5

Clairement, deux semaines n'avaient pas suffi. Juan passait ses matinées à vomir et cela le laissait dans un état de faiblesse qu'il mettait la journée à surmonter, pour se sentir vaguement mieux le soir. Suffisamment pour donner le change à Markus et Jasper en tous cas, les aider avec la maisonnée, les devoirs, les repas... Pour mieux aller ensuite s'effondrer dans son lit, où il ne dormirait pas avant des heures, tournant dans tous les sens sans jamais parvenir à trouver le sommeil. Et le lendemain, tout recommençait. Il n'en voyait pas la fin, et sa fatigue était si évidente que ses amis insistèrent pour que la médecin se déplace à leur domicile plutôt que de le voir s'épuiser un peu plus à se rendre au cabinet. Il détestait se sentir comme ça. Il ne s'était jamais senti comme ça. Il était toujours en forme, joyeux et plein de vie, en tous cas il essayait. Ces jours-ci, il n'avait même pas l'énergie d'essayer. Jasper toqua à la porte et passa la tête, inquiet. Juan lui fit signe d'entrer, l'entrevue avec la médecin étant presque terminée. L'Alpha fit une moue en avisant les deux aérosols de phéromones de synthèse sur la table de chevet de son ami et les désigna à la médecin.

— Vous êtes certaine que ça fonctionne ? Il en prend toute la journée mais on ne le voit pas aller mieux et comme c'est Samir qui les a prescrits... Enfin on se demandait avec Markus pourquoi Samir ne lui avait pas parlé de la morsure comme possibilité.

— Mais... Il l'a fait !

Jasper regarda sa médecin avec étonnement, puis se tourna vers Juan, qui lui regardait résolument ailleurs. L'Oméga se triturait les doigts, mal à l'aise. Il avait menti à ses amis en affirmant que Samir ne lui avait pas parlé de cette possibilité et qu'il n'en avait pas besoin. Il ignorait que Markus et Jasper parlaient de lui entre eux, et s'inquiétaient autant.

— Je... ne vais pas imposer ça à votre couple en plus de tout le reste. Je profite largement assez de vous.

— Bon sang. T'es vraiment un crétin.

— Je vous laisse en parler entre vous et téléphoner au docteur Achour si vous avez besoin de plus de renseignements ? Parce qu'en effet, c'est la solution à privilégier pour vous, Juan.

— Mmh.

— Merci, Docteur.

La femme referma sa trousse médicale et sourit à l'Alpha qu'elle connaissait depuis vingt ans. Il la raccompagna à la porte après qu'elle ait salué Markus, qui marchait pour apaiser l'agacement de leur dernier-né, et elle rentra chez elle retrouver sa famille à elle, munie de charmants coussinets et de jolies vibrisses, bien contente d'avoir fait le choix de ne jamais s'embarrasser de minuscules humains... pour mieux s'occuper de ceux des autres. Chez elle, elle se servit un verre de vin blanc, en sirota une gorgée avant même d'aller se changer, puis se prépara à passer une confortable soirée en compagnie de ses deux chats et une série dont son secrétaire lui avait parlé pendant leur pause déjeuner. Elle espérait, tout de même, que Juan se laisserait convaincre par ses amis.

— ... Ok, merci Samir. Je mets le haut-parleur, attends.

Jasper sortait de son bureau et rejoignit les deux Omégas au salon. Juan serrait entre ses doigts un mug de tisane, et Markus avait de nouveau leur nourrisson ventousé à la poitrine. Jasper sourit et effleura la nuque de son amoureux en passant derrière lui pour rejoindre le canapé d'angle où Juan était blotti.

— Vas-y Samir, on t'écoute tous les trois.

— Ok, bonsoir Markus et Juan, je reprends donc : la morsure peut être terrifiante pour un Oméga, surtout un qui ne l'a jamais été et qui est enceint. Mais, et je suis toujours un peu désolé autant d'époustouflé de vous dire ça, vous êtes un cas d'école. Mon cas préféré, genre.