Chapitre 6

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— Chat ?

— Mmh ?

— Il s'est endormi.

Markus sourit et ses doigts caressèrent la joue de l'Oméga abandonné entre ses bras. Il avait un peu perdu le fil du temps, baignant avec plaisir dans les phéromones entremêlées. Celles de Juan s'étaient renforcées après la morsure et leurs odeurs mélangées étaient agréables. Il s'était détendu lui aussi, et peut être même assoupi, une main dans les cheveux de Juan et l'autre de nouveau dans celle de Jasper, qui s'était blotti dans le dos de leur ami. L'Alpha leva leurs mains entrelacées et baisa le bout des doigts de son amoureux.

— Je vais le porter dans son lit.

— Tu devrais dormir avec lui.

— Et te laisser seul avec les trois monstres ?

Markus gloussa.

— C'est pas toi qui a le lait, de toute façon, Chat. Profite d'une nuit reposante, tu gèreras la matinée et je pourrais récupérer.

Jasper hocha la tête et se pencha pour embrasser Markus avant de glisser une main sous les jambes de leur ami. Il se leva et l'Oméga se blottit contre lui, enroulant ses bras autour de son cou. Markus sourit encore et articula en silence « tu vois ? », accentuant le besoin que Juan avait de l'Alpha. Jasper le savait. Ils s'étaient liés, il n'avait plus besoin de réfléchir pour savoir de quoi avait besoin son Oméga. Son corps le savait pour lui. Présence, chaleur, repos étaient les besoins les plus urgents qui émanaient de Juan. Il était de son devoir d'y répondre, et Markus le sentait aussi, manifestement. C'était la première nuit que son amoureux passerait seul avec les trois enfants, mais il fallait bien admettre que l'aîné ne se réveillait plus la nuit depuis longtemps, quant à la cadette, c'était assez rare, et souvent elle se débrouillait pour se rapprocher de son père sans le réveiller.

Markus lui sourit encore, et alla chercher Yaël qui remuait dans son sommeil, suçant son poing, signe qu'il avait besoin d'une tétée. Jasper affermit sa prise sur Juan, oubliant un instant le poids de son ami, trop occupé à dévorer du regard le père de ses enfants défaire sa chemise et la laisser glisser de ses épaules pour blottir leur dernier-né contre lui. Un chouinement leur parvint de la chambre familiale, et l'Oméga posa un baiser furtif au coin des lèvres de l'Alpha avant de rejoindre sa fille. Il secoua un bras, puis l'autre, pour se débarrasser des manches de sa chemise et la laisser tomber au sol, puis fit de même avec ses pieds pour en retirer les pantoufles avant de se glisser, torse nu, sous la couette, la bloquant dans le bas de son corps pour qu'elle ne vienne pas étouffer le nourrisson. Dans son demi-sommeil Charlotte trouva son chemin jusqu'au sein libre, et Markus l'enlaça en fermant les yeux. Si dix ans plus tôt, on lui avait dit qu'il aimerait autant d'autres êtres que Jasper, qu'il les nourrirait de son lait pendant des années, que son corps était capable de ça, il aurait ri. Lorsqu'ils attendaient la naissance de Théodore, futurs parents terrorisés, il avait acheté un splendide stock de biberons de verre avec des tétines ergonomiques en caoutchouc naturel et avait lu tout ce qui était possible sur les préparations artificielles biologiques pour nourrissons. Et puis son fils était né, avait rampé depuis son ventre où il l'avait lui-même posé après l'avoir mis au monde jusqu'à son sein pour s'y cramponner goulument. Et tout avait eu l'air tellement normal, tellement évident, qu'il avait simplement regardé les biberons et la boite de poudre bio prendre la poussière dans un coin de la cuisine. Il fabriquait du lait avec son corps depuis huit ans. Théodore avait cessé de téter quand sa sœur avait un an et lui presque six. Charlotte avait l'air toujours bien accro à ses tétées mais savait très bien s'en passer quand elle passait quelques jours chez ses grands-parents, pendant les ruts de ses parents. La fillette se détacha de lui et roula sur le côté, tirant toute la couette avec elle. Markus se tortilla pour en récupérer un peu sans la réveiller, trop heureux d'avoir au moins un téton libre, et se tourna lui aussi, dos à dos avec sa fille pour mieux se refermer sur son dernier-né, son tout petit, son dernier bébé. Il le dévora des yeux en laissant ses pensées errer encore entre sa vie domestique, son travail de recherche qui l'attendrait encore plusieurs mois dans son bureau et tant pis, Juan qui sentait si bon et son amoureux probablement blotti contre lui, un bras protecteur passé en travers de son corps, Théodore qui réclamait une chambre à lui depuis des semaines et à qui elle avait été promise... Avant que Juan ne vienne l'occuper, et de leurs projets de déménagement dont ils n'avaient parlé à personne encore, et... et quelque part au milieu de tout ça, il s'endormit.

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