Révolution

Chapitre 17

— Putain...

— Je suis désolé, Juan. C'est pas une affaire d'état, j'avais juste pas prévu de te le dire. Je ne veux pas que tu sois mal à l'aise en ma présence, je sais gérer mes sentiments, je suis un grand garçon.

Rémi se leva brusquement et saisit une bouteille de liquide ambré et un verre à fond plat. Il avait absolument besoin d'un peu de « courage liquide » comme disent si bien les anglais. Il s'en servit un verre bien tassé et en lampa une gorgée avant de se tourner à nouveau vers l'homme blotti dans le canapé. Juan leva un sourcil interrogateur vers lui et l'Alpha sourit.

— Islay, 18 ans d'âge. Long en bouche, bien tourbé, vieilli en fûts de porto.

L'Oméga eut un sourire approbateur et fit un geste de la main dont le sens était limpide : « apporte-moi ça tout de suite ». Rémi sortit un second verre et déposa le tout sur la table basse, tendant la bouteille au jeune père.

— Sers toi. Je sais pas comment tu doses avec l'allaitement.

Juan grogna puis versa d'abord une minuscule rasade qu'il avala d'une gorgée de se resservir immédiatement en posant son verre sur la table. L'alcool lui avait brulé la gorge brutalement, assez pour lui remettre les idées en place. La petite dose restante devrait lui tenir tout le reste de la discussion, et manifestement ils allaient en avoir pour un moment. Pour une fois, il aurait bien aimé pouvoir boire plus et il regretta de ne pas avoir Markus sous la main pour lui abandonner ses responsabilités.

Il attendit que Rémi soit servi et se tourna vers lui.

— Donc. À quel moment tu t'es dit que me cacher ça serait une bonne idée ? Depuis combien de temps tu...

— Je t'aime ? Je sais pas. Longtemps. Des années ? Je vais te paraitre abruti mais je ne sais absolument pas quand ça a commencé, Chris s'en est rendu compte avant moi.

— Et il s'en fout ?

— Non, il me pousse à t'en parler.

— Évidemment.

Juan plongea les deux mains dans ses cheveux et tira un peu ses mèches. Puis il releva un peu les yeux et tourna la tête vers Rémi.

— Pourquoi tu ne l'as pas fait ?

— Tu étais avec Marc dans une relation exclusive, puis avec Markus et Jasper et tu avais franchement autre chose à gérer qu'une proposition de relation avec un vieil Alpha esseulé... Et j'ai rien à t'offrir, Juan. J'ai cinquante ans, deux enfants ados, des cheveux gris, une énergie clairement raccord avec mon âge et un amoureux depuis vingt-six ans. Et tu n'es pas polyamoureux, de toute façon.

— Tu n'en sais rien.

— Pardon ?

— Si je suis polyamoureux ou pas. Tu n'en sais rien. Même moi je n'en sais rien bordel, je vois pas comment tu pourrais savoir ! Je suis bien avec Jasper et Markus depuis plus d'un an et ça fait des mois que je ne suis plus sous l'influence de la morsure. Alors ne dis pas que je ne suis pas polyamoureux s'il te plait. Je dors avec deux personnes qui m'appellent « mon cœur » depuis plus d'un an. Je vis avec eux. On parle de notre relation régulièrement. On se câline. On élève nos enfants ensemble. Et... Et putain, ne dis pas que tu n'as rien à m'offrir alors que tu fais partie des rares personnes à être une présence stable dans ma vie dans la dernière décennie ! Tu es de toutes les soirées entre amis, tu... tu repères comment je vais, tu vérifies si mon verre est plein, tu me fais des remarques positives sur mon apparence, tu regardes si j'ai mangé, tu... Tu ne sais pas de quoi tu parles ! Tu ne sais rien de ce que je pense et putain moi je sais pas ce que je dis ! Je suis en train de péter un câble Rémi !