5. ELLE

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— Là, à droite ! Regarde. Il y a une place entre la Clio blanche et le Q5.

Maël enfonce si brutalement la pédale de frein que je sens le haut de mon corps être propulsé vers l'avant du véhicule. La ceinture de sécurité m'empêche de me cogner le front au tableau de bord, mais pas seulement...

Je baisse les yeux sur le bras posé en travers de ma poitrine dans un instinct protecteur. Un sourire étire mes lèvres alors que je jette un coup d'œil en biais à Maël. Il ne se rend même pas compte de son geste.

— Plutôt un trou de souris, marmonne-t-il entre ses dents. Y'a plus qu'à prier pour qu'aucun de ces crétins de parents ne griffe ma Furie, sinon je ne donne pas cher de la peau de leurs rejetons.

Je glousse en pensant au pire. Le pare-choc accroché de sa belle Plymouth, un crime de lèse-majesté. Déjà qu'il lui a octroyé un petit surnom...

Une main placée à l'arrière de l'appui-tête de mon siège, Maël estime la distance entre la bordure et les deux voitures parquées l'une à la suite de l'autre. Je le regarde prendre un air concentré. Sa ride du lion se creuse alors que la pointe de sa langue apparaît au coin de ses lèvres.

Mais le muscle de sa mâchoire tressaute. Il me lance un regard noir.

— Tu ne m'aides pas, Sybille...

Alors je reporte mon attention sur sa main gauche dont les veines apparentes m'hypnotisent. Maël serre fort le volant un instant, avant de relâcher la pression. D'un mouvement ample, il braque les roues vers le trottoir pour faire son créneau, puis recule en redressant la trajectoire du véhicule. En moins de trente secondes, nous sommes garés.

Le parking du Spirou est noir de monde. Des familles entières viennent soutenir l'événement caritatif, organisé dans le cadre des journées sportives afin de récolter un maximum de fonds pour les personnes handicapées. La télévision a même effectué le déplacement, alors que le match de basket concerne des clubs d'enfants âgés entre 13 et 14 ans. Des caméras filment déjà, et des journalistes interpellent quelques spectateurs pour le journal de 19h.

Pour l'occasion, le hall sportif a été décoré aux couleurs de Halloween. La banderole sur laquelle il est écrit « Même pas peur de la différence » s'agite au-dessus de nos têtes. Elle se gonfle sous les bourrasques de vent. La nuit tombe sur la ville, et l'humidité ambiante me fait frissonner. J'ai sûrement froid à cause de la fatigue. Toutefois, une chose est sûre : les journées d'octobre ont beau être ensoleillées, les températures chutent considérablement en début de soirée.

Je tire sur les pans de mon cardigan, ce qui capte aussitôt l'attention de Maël. Il me ramène contre son flanc et me coince sous son épaule. Avec sa grosse veste en cuir, il ne craint pas le froid. J'encercle sa taille de mes bras et me blottis contre lui en quête de chaleur.

— Tu aurais dû enfiler autre chose avant de partir, commente-t-il, après avoir scanné du regard ma tenue.

Celle-ci se compose d'une mini-jupe plissée à carreaux, assemblée à une chemise crème et des bretelles. J'aime bien ce look, ça me donne l'air d'une ensorceleuse déguisée en une étudiante de lettres anglaises. Très « abracadabra, je suis ta sorcière bien-aimée rien qu'à toi ».

— À l'intérieur, il fera crevant de chaud.

— En attendant, tu risques de choper un rhume.

— Pas tant que je reste collée à toi.

Maël me coule une œillade blasée, en totale contradiction avec son rictus en coin qui creuse une fossette dans sa joue que je meurs d'envie d'effacer d'un baiser.

Le Diable au cœur (DARK ROMANCE)Where stories live. Discover now