8. LUI

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Quatre heures.

Je n'ai dormi que quatre heures, et pourtant, une énergie folle coule dans mes veines. Je tiens difficilement en place. J'ai l'impression d'être reposé, d'avoir dormi comme un loir malgré ma courte nuit.

La faute à l'effet Sybille... Ou plutôt le remède à tous mes maux.

J'aurais tout donné pour me réveiller à ses côtés, mais aux environs de trois heures du matin, j'ai dû lever le camp de son appartement. Juste après qu'elle ait émergé de son sommeil dans un sursaut. Je l'ai regardée sortir de sa torpeur. Là, dans la pénombre de sa chambre, terriblement seule. Elle pleurait à cause de son cauchemar, et je mourais d'envie de sécher ses larmes, de les laper comme un assoiffé. Je voulais tant passer mes doigts dans ses boucles, enrouler mon poing dans sa chevelure ébouriffée, tirer dessus pour remplacer son chagrin par une douleur tout autre.

Je la désirais tellement. Du plus profond de mon âme que j'en avais mal au bide.

Mais je me suis simplement contenté d'un de ses regards. Je n'ai rien risqué. Pas de baiser volé. Pas de caresse interdite. Pas de déclaration à en perdre la raison.

Sybille m'a aperçu, je le sais. Il n'en aurait pas pu être autrement. Je me tenais debout, dans le hall de nuit, dans l'encadrement de sa porte grand ouverte. Et elle me fixait, la vue brouillée par ses pleurs.

Je n'ai pas été discret. Pourquoi aurais-je fait preuve de retenue ? Elle connaît mes intentions.

Rentrer chez elle a été si simple. Un jeu d'enfant. J'ai quitté son domicile, avec la même facilité, mais par la porte d'entrée après qu'elle se soit rendormie. Soit une quinzaine de minutes après qu'elle se soit levée pour se diriger vers le salon. Elle est passée à côté de moi comme si je n'existais pas. Avec une ingénuité qui m'a fait sourire. Elle dormait debout. Elle a poussé un bâillement adorable, s'est étirée les bras en l'air, dévoilant la chute de ses reins, puis a éteint la lumière. Le lampadaire que, d'ailleurs, j'ai rallumé le temps de lui écrire un mot.

J'espère qu'elle a trouvé ma carte ce matin. J'ai été plus concis que d'ordinaire. C'est étrange, moi qui n'ai jamais manifesté d'affection particulière pour les mots, j'aime épancher les élans de mon cœur sur le papier... rappeler l'évidence à Sybille, qu'elle et moi sommes voués l'un à l'autre. Je l'imagine découvrir à nouveau mon écriture, souligner de l'ongle de son index l'hypocoristique qui la désigne si bien. Mon ombre. Un billet doux n'effacera pas sa nuit, ni les mauvais rêves qui l'ont peuplée. En revanche, il lui ravira peut-être un sourire.

Sybille souffre toujours, et je crève de la savoir dans cet état. Impuissant, je l'ai regardée hier s'agiter dans son lit. Ses jambes et ses bras se débattaient dans tous les sens comme si elle fuyait quelque chose. Mais c'est sa voix cassée qui m'a terrassé. Au milieu de ses sanglots, elle criait sa détresse.

Son chagrin face à la mort.

— Hé, ça va ? T'as l'air préoccupé en plus d'afficher la tête du gars qui n'a plus fermé l'œil depuis trois jours ? s'enquiert Mattia.

Mon collègue m'a rejoint à l'autre bout de la salle de réunion. Il me tend une tasse que j'accepte volontiers, avant d'ajouter :

— Noir et sans sucre.

Du café comme j'aime le boire. Je le goûte du bout des lèvres et manque de le recracher. Immonde. Il ne vaut pas celui que me sert Sybille au Shining. Je maudis du regard le thermo devant lequel toute l'équipe s'est précipitée, heureuse de cette pause bienvenue. Les joies des journées de formation.

— J'ai fait une insomnie, cette nuit, me confié-je entre deux gorgées amères.

— Ah, merde... T'es à cran en ce moment ?

Le Diable au cœur (DARK ROMANCE)Where stories live. Discover now