Chapitre 11

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Nous arrivâmes à la capitale, cachée derrière une brume. Je descendis de Shadow et m'avançai vers ce phénomène assez rare par chez nous. Je tendis ma main et l'effleurai, tandis qu'il disparut, remplacé par une vision d'horreur : des ruines. Nous ne reconnaissions plus les maisons, qui ne se distinguaient plus des magasins qui s'y trouvaient auparavant. Mais en dehors du silence imposant, l'absence de personnes restait l'événement le plus étrange.

Sylvae était divisée en deux parties : un village dans une clairière au milieu d'une forêt et au bas d'une falaise où vivait le peuple, surplombé par le château où résidaient la Cour, les domestiques ainsi que la famille royale. Nous avions construit des logements d'urgence en cas de catastrophe naturelle, voire d'une possible nouvelle guerre. Mais maintenant, tout était détruit.

Soudain, un feu follet apparut. Je m'approchai et il disparut, apeuré. Plusieurs le remplacèrent, traçant le chemin vers notre destination. Je montai sur mon cheval et nous les suivîmes. Shadow jouait avec les spectres : dès qu'il en touchait un, celui-ci se téléportait quelques mètres plus loin, le faisant hennir. J'essayais de me détendre du mieux que je pouvais, car leur présence signifiait un bon comme un mauvais présage. Or, rien ne laissait penser à la première option.

Au bout d'une heure de marche, on arriva enfin au château en parfait état et dégagé de tout brouillard mystérieux. Je toquai à la herse pour que l'on m'ouvre et celle-ci se souleva, nous permettant d'entrer. La cour, d'habitude si pleine de vie à toute heure de la journée, peut-être plus que le village, était maintenant vide. Tout avait changé depuis que j'étais partie quelques mois auparavant. Je décidai de rentrer dans le château afin de chercher un quelconque indice qui pourrait éclaircir la situation. Des bougies éclairaient le couloir et l'âtre crépitait dans la pièce froide qui n'avait pas eu le temps de se réchauffer.

Bien que nous soyons la famille royale, nous n'avions pas aménagé le mobilier pour affirmer notre puissance et impressionner les visiteurs. Nous souhaitions une maison confortable et, si nous avions pu habiter en ville, nous l'aurions fait sans hésiter. Tous les ans, nous organisions une grande fête où était mise à disposition une boîte aux lettres. Chacun pouvait laisser un petit mot, tant qu'il était bienveillant ou qu'il contenait des recommandations. Nous tâchions ensuite pendant l'année de prendre en compte les remarques et rendre la vie de notre peuple meilleure.

Ceci ne changeait rien au fait que la cour était vide, que l'ambiance était glaciale et qu'un inconnu me tournait le dos sur le trône de mon père. Je me glissai sur le côté et posai ma main sur sa cape, qui tomba, mais il n'y avait rien en dessous. Je me retournai, méfiante, affrontant un visage qui me ressemblait beaucoup et dont j'avais souvent entendu parler : celui de ma génitrice. Nous nous tenions en chiens de faïence, ne sachant pas comment l'une ou l'autre allait réagir. Elle s'avança prudemment dans ma direction, mais je restais immobile.

— Bonjour, Léna.

— Bonjour... mère ? hésitais-je.

— Oh... Je t'en prie. Tu peux m'appeler maman. Répliqua-t-elle avec un grand sourire, un soupçon de sarcasme dans la voix.

— Hum, d'accord. J'essayerai d'y penser... maman. Répondis-je en appuyant sur le dernier terme afin qu'elle comprenne que je ne la considérais pas encore comme telle.

— Cela faisait longtemps que je voulais te voir, pas toi ?

— Je ne peux pas dire que ce soit réciproque.

— Mais je suis ta mère ! Tu as mon sang, mes pouvoirs, et même... ma beauté. Assura-t-elle avec une voix tremblotante.

— Je ne vous ai jamais rencontré auparavant. Vous êtes ma génitrice, tout au plus.

— Je sais bien, ma chérie, et crois-moi, j'en suis désolée et je le regrette tous les jours. Mais reste avec moi, et tu comprendras pourquoi j'ai aussi difficilement choisi.

— Non. Je ne vous connais même pas ! Et... que voulez-vous dire par ça ?

— Tu le découvriras bien assez tôt...

Ma mère se décala sur le côté pour me permettre de partir. Elle n'avait aucun geste malfaisant, ce qui ne me rassurait guère sur la suite des événements. J'aperçus mon reflet à une fenêtre, cachée entre des rideaux. Je souris pour me donner du courage, mais ma mimique ne me fut pas rendue. Je pris vraiment peur quand la silhouette s'enfuit en courant. Je rejoins rapidement la porte de ma demeure pour me libérer de cet enfer.

Je hélai Shadow et montai sur lui, repartant en direction d'Elléa. Je ne savais toujours pas où se cachait mon peuple, et donc mon père, mais mon intuition me disait qu'il devait sûrement essayer de gagner le royaume ennemi, étant donné la tournure des événements.

The Chosen One(s)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant