L'amour en noir [Poésie]

I | Shipwreck

Quand je pense à nous, la pluie redouble, 
Elle frappe ma peau, la tranche en silence. 
Un parfum de fin s'étend, lourd et trouble, 
Comme le souffle du trop tard, sans défense.

Chaque soir, ma peau pleure ses pulsions, 
Chaque nuit, elle maudit ce démon. 
Dans l'ombre, un tombeau, une prison, 
Ma chair brûle dans l'obscur abandon.

Personne ne soigne mes nécroses, 
Je meurs, ni martyr, ni héros. 
La faucheuse enlace mes épaules moroses, 
Elle murmure : Plonge dans le flot.

Chaque coup m'a été fatal, 
Mais dès le premier, j'étais laissé pour mort. 
Il a tranché ma voix d'un geste brutal, 
Mais c'est le silence des autres qui m'a fait tort.

J'ai dérivé toute ma vie sans espoir, 
Cette fois, je me noierai dans autre chose que mes rêves, 
Le vent glacial me pousse, implacable et noir, 
Mes pensées perdues pour celui qui sans cesse s'élève.

À chaque instant, je porte cette malédiction, 
L'eau froide me caresse sans frémir. 
Sous un ciel pâle, je me perds, saison après saison, 
Je cherche des anges aux cornes pour me punir.

L'eau tremble autour de moi, mais en vain, 
Je ne ressens plus rien, juste l'étreinte glacée, 
La mort, maîtresse de mes chagrins, 
Serrant mes chaînes, scellant mes peurs à jamais.

Ma mort sera l'aube de mon histoire, 
Elle ne m'aura pas vivant, mais je me consumerai, 
Je saignerai sans espoir, 
J'ai attendu longtemps, j'ai vécu pour m'effacer.

Sous l'eau, tout est noir, je ne vois plus rien, 
Je m'en vais, seul, dans ce trépas infini. 
Ici, personne ne ment, tout est certain, 
Leurs pulsions ont tracé le fil de ma vie.

Mon amour, celle qui n'a pu rallumer ce feu, 
Tu pleureras celui que tu croyais connaître, 
Celui que tu n'as jamais vu, ni reconnu. 
Sous le poids de l'absence, avec le cœur transpercé, 
Je meurs d'une vie que je n'ai jamais vécue.