Track's attraction

Chapitre 16 - Alix

Je suis complètement à côté de mes pompes depuis deux jours. Que mes premiers essais ne soient pas bons, c'était déjà dur à encaisser. Antonio a tenté de me rassurer, de me redonner confiance. J'ai voulu croire que c'était un problème de trac et que les choses allaient rentrer dans l'ordre. Malheureusement, je dois admettre que c'est loin d'être le cas. Le deuxième jour a été encore plus pourri, à mon grand désarroi. J'étais déjà très mal à la fin des essais et le silence circonspect de Mack et de Franck n'a fait qu'accentuer mon mal être. Au point que j'ai quasiment pris mes jambes à mon cou. Et comme si je n'étais pas assez mortifiée par mes piètres performances, il a fallu que Mervans m'intercepte sur le parking. Et il n'y est pas allé par quatre chemins, l'enfoiré ! Il m'en a mis plein la gueule.

Je n'aurais pas dû le laisser me maltraiter comme ça. J'aurais dû me défendre, lui rentrer dans le lard au lieu de le laisser me rabaisser. Il n'a pas caché son mépris, il a été vindicatif, menaçant. Il m'a laminée. Au point qu'une fois sortie du parking, je n'ai pu retenir mes larmes. J'ai dû m'arrêter sur le bas-côté tellement ma vision était troublée. Il m'a fallu un petit moment pour me calmer.

Arrivée chez moi, je me suis précipitée dans un bain brûlant pour détendre mes muscles crispés. Bien évidemment, j'ai ressassé notre altercation encore et encore, essayant de trouver ce que j'aurais pu lui répondre. En vain. Parce qu'il n'y avait rien à répondre, je n'aurais rien pu dire pour ma défense. Il a été brutal et odieux, mais il a eu raison. Il m'a balancé dans la tronche ce que Mack n'a pas osé me dire. Il n'a pas pris de pincettes pour me faire comprendre que mes copilotes sont restés dans la retenue à cause de mon sexe. Moi qui n'arrête pas de militer pour l'égalité homme-femme sur les circuits...

Plus je réfléchis à ce que Gaël m'a balancé, moins je lui en veux. Il n'y a pas mis les formes, mais le fond y était : mes défaillances ont des conséquences sur toute mon équipe. Si je merde, Mack et Antonio trinqueront. Sans compter que Mark Endurance ne peut pas se permettre de perdre son sponsor principal. Franck doit gérer un business et, comme me l'a si bien fait remarquer Mervans, il ne peut pas se payer le luxe de garder dans le team un pilote qui met son équipe en difficulté, peu importe son sexe. Je n'ai pas le choix, je dois me secouer et trouver ce qui ne va pas. Il n'est pas trop tard. J'ai perdu une bataille, mais pas la guerre !

Je sors de la baignoire un peu plus détendue et revigorée. Je m'enroule dans mon peignoir et vais me préparer une tasse de chocolat chaud. Rien de tel pour me réconforter. Je me glisse dans mon caleçon molletonné et mon pull oversize préférés et m'installe devant la télé. Tout en regardant distraitement le replay de la dernière course GP, je réfléchis. Je décortique mes relais de la journée. Le constat est sans appel : Mervans a raison. Je suis capable de rouler vite et je ne l'ai pas fait. Ou du moins pas au bon moment. Je mettais trop de temps à accélérer dans les lignes droites, je freinais trop tôt dans les virages, du coup mes bascules étaient mauvaises. Sans compter qu'en prime je n'ai pas assez écouté le moteur de ma bécane et je ne montais pas mes rapports aux meilleurs moments. Bref, j'ai été à contretemps en permanence. Le problème est que j'ignore pourquoi je n'ai pas réussi à prendre le bon rythme.

Désemparée, j'appelle mon frère pour lui soutirer quelques conseils. Il met un peu de temps à décrocher. Je lui demande de ses nouvelles puis de celles de nos parents avant de rentrer dans le vif du sujet. Je lui explique rapidement mon problème en omettant de parler de mes rapports tendus avec Mervans, mais Lucas me connaît si bien qu'il comprend immédiatement qu'il y a un autre souci.

— Les mecs t'en font baver, c'est ça ?

— Disons qu'ils ne sont pas ravis.

— Je t'avais prévenue, maninha ! Ils seront sans pitié, justement parce que tu es une femme. Si tu veux avoir une chance, il faut que tu les écrases d'entrée de jeu.