Chapitre 18 - Alix

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Le circuit qui me hante depuis deux ans est devant moi. Nevers Magny-Cours. J'abhorre ce nom. Il n'évoque pour moi plus que la peur et les larmes. Pourtant j'aimais cette piste, son tracé sinueux avec ses courbes larges et ses virages serrés. Mais c'était avant qu'elle n'incarne mon cauchemar personnel.

Pour chasser ces souvenirs douloureux de mon esprit, je laisse vagabonder mes yeux autour de moi. J'observe le stand où nous allons passer la semaine, lorsque subitement d'autres images s'imposent à moi. Nettement plus intéressantes, mais gênantes. Celles du corps dénudé de Gaël. Cette fois-ci, je n'ai pas eu qu'une vision de son sculptural torse. Oh non ! J'ai eu droit à la totale ! Les pecs, les abdos, les jambes, les fesses et... le service trois-pièces. Punaise, heureusement que je ne lui ai pas demandé ses mensurations au MUCEM pour le provoquer ! J'aurais cru qu'il se vantait alors qu'en fait...

Bon sang ! Je n'ai pas besoin de me regarder dans un miroir pour savoir que j'ai les joues rouges. Même mon teint mat ne doit pas parvenir à cacher mon émoi. Mais pourquoi j'ai des coups de chaud comme ça dès que je pense à ce mec ? Et comme si ce n'était pas suffisamment embarrassant qu'il entre à poil dans la salle de bain pendant que j'étais sous la douche, il a fallu en plus qu'on se retrouve en pleine nuit pour un second round et qu'il m'embrasse ! Mais qu'est-ce qu'il lui a pris ? Il ne me supporte pas, me traite comme de la merde la plupart du temps et là, bam ! Il me roule LA pelle ! Et même un peu plus que ça... Heureusement que cette fois-ci nous n'étions pas à poil ni l'un ni l'autre parce que sinon je pense que nous aurions fini emboîtés en un temps record ! Quand il m'a serrée contre lui et que j'ai senti son érection, j'ai failli prendre feu. Il s'en est fallu de peu que je ne commence à me frotter contre lui comme une chatte en chaleur. C'est le cas de le dire ! Je ne sais pas où j'ai trouvé la force de le repousser. Je ne comprends pas pourquoi il me fait un tel effet ! OK, il est beau gosse, il pilote super bien, mais... mais c'est un connard ! Un con borné, macho et en prime un queutard ! Tout ce que je déteste ! Alors pourquoi me met-il dans tous mes états ?

Les 6 h 30 de route pour rejoindre Magny-Cours m'ont éreintée hier. Heureusement que nous étions en minibus parce s'il avait fallu conduire, je n'ose imaginer l'état dans lequel je serais ! Cet interminable trajet m'a laissé le temps de cogiter et de stresser. Au point que j'ai ressenti le besoin de téléphoner à mon frère avant de me coucher. Il a essayé d'apaiser mes angoisses et m'a au contraire poussée à y aller à fond une fois de plus. Il m'a longuement briefée, mais je ne suis pas rassurée pour autant.

Alors que je fais quelques exercices d'échauffement, Mervans ne peut s'empêcher de me provoquer :

— J'espère pour toi que tu es en forme parce qu'il va falloir que tu améliores tes temps.

Entre les exhortations de mon frère et la frustration de la nuit, je suis remontée comme un coucou et je réagis avec virulence :

— Tu ferais mieux de t'occuper de ton cul, au lieu du mien ! Ce n'est pas parce qu'on s'est...

— Parce que je t'ai roulé la pelle de ta vie ?

— Dans tes rêves, Mervans !

Décidément, nous ne pouvons pas nous empêcher de nous provoquer l'un l'autre ! Je crois que ça lui plaît de m'asticoter pour me faire dégoupiller ! Nos chamailleries ne suffisent pas à me faire oublier mes angoisses et mon stress augmente au fur et à mesure que mon passage de relais se rapproche. Quand vient mon tour, je ne suis pas loin de la crise de panique et c'est le cœur dans la gorge que je quitte la voie des stands pour m'élancer sur la piste.

La grande courbe, le virage d'Estoril ne me posent aucun problème technique, mais j'attaque la ligne droite du Golfe avec appréhension. Je tombe les rapports avant d'entrer dans le virage d'Adélaïde et incline peu la moto alors que mon palpitant s'emballe de plus en plus et pulse de manière désordonnée. Je dois lutter pour ne pas laisser les souvenirs s'insinuer dans mon esprit et contrôler ma respiration. J'attaque la longue ligne de Nürburging avec les veines gorgées d'adrénaline. Je tombe les rapports avant de m'engager dans le 180 et retiens mon souffle en passant le dévers à sa sortie. Peu à peu, l'étau autour de ma trachée se desserre alors que j'accélère et quitte la zone. J'enquille avec prudence les virages d'Imola et Château d'eau. C'est avec plus d'assurance que j'aborde les virages du Lycée avant de remettre les gaz pour la ligne droite des stands. Mon chrono est pourri, mais je m'y attendais. Je fais mon deuxième tour en forçant l'allure tout en restant prudente. Je prends le temps d'analyser la piste. Au bout de cinq tours, mon chrono est bien meilleur, mais toujours inférieur à ceux de mes coéquipiers.

Track's attractionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant