18. Les fleurs bleues

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Les larges racines se mouvaient entre elles, vivantes et silencieuses. Ce mur végétal aux teintes terracotta les encerclait. Il évolua en un dôme qui les coupa de la forêt. Les adolescentes étaient définitivement piégées. Seule la bille flottante devant le visage de Katya éclairait un peu les lieux. Leur espace de mouvement était réduit à moins de trois mètres de diamètres.

- C'est habituel cette réaction de la végétation quand une inconnue arrive dans le coin ? s'inquiéta Maelle.

- Cela ne se produit jamais. Du moins, je ne l'avais jamais vu. Les étrangers, comme les citadins passent par un autre chemin. Je ne pouvais pas nous laisser repérer par les officiels, la forêt était le moyen le plus sûr.

- Ah ouais... le plus sûr, ironisa Maelle.

- Bidule va se transformer et je vais trancher les racines grâce à ma lame.

Au mot « lame », les racines firent jaillir des épines acérées qui réduisirent aussitôt l'espace vitale où elles se trouvaient. Les adolescentes se serrèrent au centre du cercle. La bille vola vers une des épines, éclairant une des épines en tournant autour et revint se placer au-dessus de leurs têtes.

- Mauvaise idée, commenta Maelle.

- Je confirme...

Bidule à leurs pieds n'osait plus bouger.

- Il y a forcément un moyen de sortir d'ici, réfléchit Maelle. Les racines ont réagi au mot « lame », donc...

Aussitôt les épines se mirent à grandir et leurs pointes s'avancèrent dangereusement avant de s'arrêter à moins d'un mètre d'elles. Les filles se serrèrent. Elles étaient maintenant si proches que leurs épaules se touchaient.

- Je propose qu'on ne mentionne plus ce mot, murmura Katya.

- Donc ces végétaux comprennent notre langue ?

- J'imagine que certains mots sont déclencheurs. Cette forêt a été le témoin de guerres et de menaces pendant de longues années. On l'a dit maudite ou enchantée. Peut-être qu'avec le temps, certains mots déclenchent ces réactions, toutefois je n'y avais jamais fait face et pourtant, je travaille dans cette forêt toutes les nuits.

- Tu « travailles » ? Tu y fais quoi ? Les enfants travaillent dans ton monde ?

- Est-ce bien le moment de parler de cela ?

Maelle se mordit la lèvre. Elle était bavarde et aimait poser des questions tout le temps. Bien que se trouver sous la menace d'épines géantes n'était pas la meilleure manière de tenir une conversation sur les activités de sa nouvelle amie, elle n'en demeurait pas moins très curieuse.

- Oh, c'est peut-être ça ! s'écria-t-elle.

- Cela quoi ? Katya attrapa Bidule et le plaça dans le col de son pull bariolé pour le protéger.

- Si moi je suis curieuse de ce que je ne connais pas, peut-être que la forêt aussi !

- Elle te considère comme une menace, je te signale.

- Parce qu'elle ne me connaît pas. Tu l'as dit toi-même : aucun étranger ne s'aventure ici. Elle n'est pas habituée. Et puis, si elle réagit au mot...

Katya posa sa main sur la bouche de Maelle pour qu'elle ne prononce pas «lame ». Maelle hocha la tête pour lui faire comprendre qu'elle n'allait pas le faire et Katya retira sa main.

- A certains mots, reprit-elle, alors c'est qu'elle comprend en partie ce que nous disons.

- Et donc ? la rouquine désigna du menton les pointes mortelles.

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