La cité miroir

20. Hors-la-loi

- Katya ! Ouvre-moi ! insista le garde derrière la porte.

Cachée à l'intérieur de l'armoire, les jambes pliées entre ses bras, genoux sous le menton, Maelle ne voyait pas grand-chose, si ce n'est à travers les fentes verticales des planches de bois mal jointes. Elle pouvait tout juste distinguer la silhouette de Katya allumer une lampe à huile, avant de se diriger vers l'entrée. La lumière stria légèrement l'intérieur de l'armoire qui se révèla contenir, outre quelques vêtements colorés, deux sacs en bandoulière et une paire de chaussures très abîmées.

Katya inspira avant d'ouvrir la porte et leva sa lampe vers le visage du garde. Ses cheveux rasés dévoilait sans peine les marques qui parsemaient son visage et son front. Un trait blanc et effilé partait du sourcil et traversait son crâne, certainement une cicatrice ancienne. Vêtu de noir de la tête au pied, une poignée bandée de cuir rouge apparaissait en diagonale, derrière son épaule gauche et des lames dans leur fourreau du même cuir que la poignée dépassaient en demi-lune de chaque côté de son corps, à l'instar d'une double faux.

- Capitaine ? s'étonna Katya. Avez-vous besoin de moi pour la traque de ce soir ?

- On peut s'en sortir : tu n'es pas indispensable ! l'homme fit claquer sa langue contre son palais avec un mépris si évident que Maelle serra les poings. Je n'en suis pas réduit à venir chercher une gamine pour une traque !

- Donc ? trancha Katya sans même répondre à la méchanceté du capitaine.

- Nous cherchons quelqu'un et tout nous laisse supposer que cette personne est chez toi.

Maelle retint son souffle. Comment avaient-ils su qu'elle était ici ?

- Je ne comprends pas, répondit calmement Katya.

Et l'oscar de la meilleure actrice revient à... pensa Maelle.

- Tu comprends parfaitement. Tu t'en occupe ou dois-je fouiller toute ta maison ? J'ai une équipe à mener en forêt et aucune envie de chercher un contrevenant au couvre-feu. Puisque tu es de repos, tu prendras le temps de le ramener au Chef. Tu es d'ailleurs convoquée aussi.

- Je ne comprends rien, Katya haussa les épaules. Je ne suis pas sortie de la journée. Je dormais.

Le capitaine se pencha vers Katya avec un regard désabusé :

- Bien tenté, gamine ! Pourquoi es-tu habillée de ce drôle de vêtement (il désigna le pull coloré prêté par Maelle) et pourquoi tes chaussures sont-elles sales si tu n'es pas sortie de la journée ?

Katya se mordit les lèvres et Maelle serra ses genoux contre elle. Même Bidule trembla de rage dans ses cheveux.

- Ramène le hors-la-loi au chef. Sinon, c'est moi qui m'en chargerai et je ne suis pas d'humeur à traquer autre chose qu'un somnia. Une étoile est tombée dans la forêt et nous devons y aller avant que le monstre ne prenne ses aises et évolue trop vite.

- Je ne...

- C'est un ordre ! Alors, à moins que tu ne sois désignée en tant que nouveau capitaine, tu obéiras.

Katya ne recula pas d'un pouce, mais Maelle sentait la tension entre cet homme et son amie.

- Je m'en occupe, marmonna-t-elle entre ses dents.

- « Je m'en occupe, CAPITAINE ! » la reprit-il.

- Je m'en occupe, capitaine ! répéta-t-t-elle platement avant de refermer la porte sur lui sans aurevoir.

Maelle ne bougeait plus. Katya posa la lampe sur la petite commode près de la porte d'entrée, elle croisa les bras sur sa poitrine et soupira en fixant le plafond. Lorsqu'elle regarda vers l'armoire derrière elle, elle posa son doigt sur ses lèvres pour signifier à Maelle de rester cachée en silence, puis se dirigea vers un coffre en osier, adossé à la rampe d'escalier qui allait vers l'étage. Elle se laissa tomber dessus dans un craquement.

- Un intru...,commença Katya à haute-voix.

Elle donna des coups de talon dans la caisse.

- Qui serait chez moi, continua-t-elle sur le ton de la réflexion tout en tambourinant de plus en plus vite de ses talons. Un hors-la-loi qui ne respecterait pas le couvre-feu... Dis-moi ! Si j'ouvrais cette caisse, j'y trouverais l'intru ou pas ?

- Faut tenter ! répondit la caisse.

Maelle sursauta sur le coup de la surprise. Katya se releva et ouvrit la malle.

- Sors !

Une boule de cheveux bouclés noirs en sortit et un visage apparu sous la masse.

- Salut, Katya ! sourit un jeune garçon.

Katya l'attrapa par le col de sa tunique verte, comme on attraperait un chaton par le peau du cou, et l'aida à sortir.

- Depuis quand es-tu ici ?

Le jeune garçon replaça le col que Katya venait de lâcher et sourit largement, découvrant des incisives énormes en comparaison de ses petites dents de lait. Il devait avoir à peine neuf ans.

- Je voulais te faire une surprise ! Mais t'étais pas là. T'étais où ?

- Dean ! le coupa Katya. T'as vu l'heure ! Je te ramène chez toi !

- Nan !

- Ton père te cherche partout. Tu as entendu le capitaine, non ? Tu veux que je sois punie par ta faute ?

- T'étais où ? Moi je t'ai attendue toute la journée. Heureusement, j'avais mon livre !

Il lui brandit un énorme ouvrage sous le nez. Katya le repoussa de l'index.

- On en parlera demain. Je te ramène. Tu vas être puni si on tarde trop.

- Bah, je serai puni quand même ! Et toi ?

- Quoi, moi ? s'étonna Katya.

- Tu seras punie pour avoir ramenée une fille ! il tendit son index vers l'armoire et Maelle se mordit la lèvre inférieure. C'est qui ?

- Personne...

Dean se précipita vers l'armoire et ouvrit les deux portes comme un enfant déchirerai un emballage cadeau.

- Salut ! s'écria-t-il. T'es qui ?

Dean s'approcha si près du visage de Maelle qu'elle put voir le vert pâle de ses yeux et les petites taches de rousseur sur son nez retroussé et ses joues rebondies.

- Je m'appelle Dean ! Mon père est le chef du village. T'es qui ? insista-t-il.

Maelle leva les yeux vers Katya, dans un silence paniqué. Le fils du chef du village venait de la découvrir et il n'avait pas l'air de savoir tenir un secret.

- C'est une invitée du Sage Rouge, intervint Katya en posant sa main sur l'épaule du petit garçon. Elle est venue pour la certification.

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À bientôt pour la suite !