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J'ai attendu quelques instants après qu'elle soit partie. Elle avait l'air légèrement déprimée. Elle me provoquait depuis tout à l'heure, comme je le faisais, mais quelque chose a changé soudainement dans ses yeux dès que nous sommes entrés dans l'appartement. La mort de la servante ou les paroles du garde l'avaient-elles affectée à ce point ?

Je suis assis dans mon bureau, incapable de commencer à travailler. J'ai tant à faire, puisque la bataille à la frontière touche à sa fin, mais consulter des documents actuellement me semble si... lourd.

Je me passe les mains sur le visage et soupire. J'ai besoin de travailler, sinon... Père trouvera une autre excuse pour me réprimander, comme si j'étais un petit garçon. Et au fur et à mesure que je grandis, ses cris, ses réprimandes et tout ce qu'il dit me deviennent insupportables. Si je n'étais pas son seul héritier, oh, Dieu... je serais probablement dans un état lamentable en ce moment.

La porte s'ouvre subitement, et une servante entre précipitamment, haletante. Je lève la tête et la regarde en fronçant les sourcils. Je la connais, c'est ce qui m'a fait me lever.

- Votre Altesse... dit-elle, il faut que vous veniez.

Elle n'avait pas besoin d'en dire plus. Je la pousse sur le côté et quitte mon bureau en courant. Je cours dans les couloirs, comme si ma vie en dépendait - c'est un peu le cas, en fait. Les serviteurs qui me voient courir n'ont pas l'air surpris, ils y sont habitués maintenant, même s'ils n'en connaissent pas la raison.

- Tiens bon, je t'en supplie... me murmuré-je.

Mon cœur bat la chamade, anticipant le pire. La servante m'a laissé dans l'ignorance quant à la nature du problème, mais son urgence et son regard empli d'inquiétude ne présagent rien de bon. Je n'avais pas besoin de tout savoir, j'en savais assez pour comprendre la gravité. Ce n'est pas la première fois, après tout.

Enfin, j'arrive à destination. Une partie du palais que peu connaissent, l'aile gauche du palais, un endroit secret que personne, si ce n'est moi et les servantes que j'ai engagé n'a le droit d'y pénétrer. La porte est entrouvertes, laissant échapper des murmures, des cris et des pleurs étouffés. Je pénètre dans la pièce, redoutant ce que je pourrais y trouver.

Et là voilà.

Elle hurlait, jetait tous les objets qu'elle avait sous la main, elle saignait mais ne semblait pas s'en soucier. La chambre est un désordre. Les servantes sont regroupées dans un coin de la chambre, effrayée. Lorsqu'elles me voient, elles s'approchent de la sortie et attendent mon autorisation. Je la leur accorde, et très rapidement, plus personne n'était présent... si ce n'est elle et moi.

- Maman... chuchoté-je, doucement.

Elle ne m'entendait pas, et continuait sa crise. Avec mes mains tremblantes, je prends l'arme que je gardais accrochée à ma ceinture. Je la prends, et la pose dans la paume de ma main.

- Regarde ce que j'ai, maman, dis-je doucement.

Elle m'entend. Elle m'entend, mais prétend ne pas m'entendre. Je le sais, car les objets qu'elle jetait dans des endroits quelconque dans la chambre sont soudainement jetés en ma direction, bien qu'elle ne me regardait pas.

Certains objets me touchent à la jambe, d'autres écrasent mes pieds. Elle ne fait toujours pas attention à ma présence, ni à ce que je tiens en main.

- J'AI UNE ARME EN MAIN, MAMAN ! Hurlé-je.

Et c'est à ce moment-là que tout s'arrête. Ses hurlements, sa violence, sa crise. Elle ne ressemble pas à une femme, mais à un monstre. Le genre de monstre que l'on ne retrouvera jamais dans les comtes d'enfants, tant ils font peur.

Comme je l'avais prévu, lorsque ses yeux sont tombés sur l'arme, elle s'est jeté sur moi. Avant qu'elle ne puisse la saisir, je jette l'arme en dehors de la chambre et ferme la porte avec mon pied. Je profite de sa proximité pour lui insérer l'aiguille que la servante m'a filé discrètement dans son cou.

- Lâche-moi ! S'écrie-t-elle. DONNE-MOI CETTE ARME  !

- Maman, murmué-je, la voix brisée. C'est moi, Azref. Je suis là...

Elle continue à s'agiter un peu, jusqu'à ce que la seringue fasse effet. Ses muscles et son corps deviennent moins tendus, cependant, je ne baisse pas ma garde. Parfois, elle feigne de s'être calmé, seulement pour que je découvre peu après que la seringue n'a pas fonctionné.

- Donne... la... moi...

- Tout ira bien, maman. Je te le promets.

Je la relève du sol, et la porte dans mes bras. Je la pose délicatement sur son sofa, celui qui donne directement une vue sur les beaux paysages d'Althea. Elle aime les regarder. Père voulait construire des bâtiments ou que sais-je ici, j'ai toujours refusé. Ce coin appartient à ma mère.

Je prends les bandages, et désinfecte les blessures qu'elle a. Elle avait quelques bouts de verres aux pieds, je les retire avec la pince, et nettoie le sang.

- As-tu mal quelque part ? Lui demandé-je. 

Elle ne répond pas, elle ne me regarde même pas. Ses yeux sont figés sur l'extérieur. Les barres longeant la fenêtre lui donne l'air d'être en prison, et gâche quelques parts de la vue, mais c'est pour sa sécurité...

Je m'assois à ses côtés et prends sa main dans la mienne, je la lui embrasse tendrement, la regardant dans ses yeux qui m'évitent.

- Es-tu en colère contre moi, maman ? Lui demandé-je doucement. Je ne suis pas venu depuis quelques jours. Je suis désolé...

Je soupire puis prends une serviette mouillée, et lui nettoie le visage, puis je prends une brosse et la coiffe. Elle se laisse faire grâce à la seringue, sinon elle m'aurait déjà poussé. Je vois sa paupière commencer à devenir lourde, elle semble vouloir dormir alors je recule et la laisse tranquille.

- Pars... chuchote-t-elle... monstre...

Je la regarde, feignant ne pas l'avoir entendu alors qu'au fond de moi, je ressens ses paroles comme un poignard. Mais lorsqu'elle s'est endormie, je m'approche d'elle et pose mon front contre le sien. Et je n'ai pas pu retenir mes larmes.

- Je suis désolée, je suis tellement désolée, maman. Dis-je en pleurant. Si seulement je pouvais prendre toutes tes peines. Si seulement... 

L'ombre écarlateOù les histoires vivent. Découvrez maintenant