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Je fais irruption dans la chambre du roi, après avoir repoussé tous les gardes qui tentaient de m'empêcher d'entrer. Je marche d'un pas furieux, un pistolet à feu à la main. Je vais en finir une bonne fois pour toutes. Cet homme a allumé une flamme dans mon cœur qui ne pourra jamais être éteinte, même par la vengeance.

Savoir qu'il souffrira toujours m'apaisera au moins.

En entrant dans la chambre, je jette un coup d'œil partout, mais tout est clair, propre. Il n'est pas là. La chambre est vide. Alors je débarque dans son bureau, à côté de sa chambre, le cherchant désespérément comme si sa mort allait faire revenir ma mère. Comme si je pouvais négocier avec l'ange de la mort, son âme contre celle de maman. Mais une fois de plus, il n'était pas là.

Je m'arrête un instant, prenant une profonde inspiration, tandis que je sens chaque goutte de sang couler dans mon cœur telle une flamme. Ma gorge et mon intérieur brûlent. Je n'arrive pas à penser correctement.

La conclusion me vient rapidement, ce bâtard s'est échappé.

Non. Peut-être pas. Il m'a donné six mois pour me débarrasser de Della et de sa famille, non ? Et si maman n'était qu'une distraction, et... merde.

Je cours, encore, vers ma chambre. Je ne sens pas la fatigue, je ne sens pas mes jambes, tout ce que je peux ressentir, c'est le désespoir, la colère et la peur. S'il l'a tuée... S'il a tué Della aussi, je le jure devant Dieu, je ne trouverai le repos que lorsque je l'aurai tué, puis je me tuerai moi-même, mettant fin à ce royaume avec moi - sa plus grande peur. Pour une princesse Inimienne, tout le monde sera témoin de la chute d'Althea.

J'ouvre enfin la porte de l'appartement, et je le cherche partout, le pistolet toujours dans mes mains.

- Montre-toi, salaud, crié-je. Tu ne te cacheras pas éternellement !

Je me dirige vers la porte de ma chambre, où Della est censée s'être endormie. Avant que je puisse ouvrir la porte, elle l'a ouverte. Je suis immédiatement soulagé de la voir en vie, tout en sachant que cela ne signifie qu'une chose : cet homme a causé le suicide de maman... et il s'est enfui, sachant très bien que je ne laisserai jamais couler cela.

- Azref ? Que se passe-t-il ? Demande-t-elle, inquiète. Tu as pleuré ?

Je la regarde, ma colère se dissipe, seule la douleur demeure. Je respire bruyamment un moment, avant de me rappeler maman. Son visage. Son corps. La façon dont je l'ai retrouvée. Comment puis-je vivre en gardant cela à l'esprit ?

- Elle est morte, Della... Dis-je, la voix brisée. Maman est morte.

Ses yeux se sont agrandis, comme si elle n'arrivait pas à y croire. 

- Je me trompe peut-être, la peur et l'inquiétude que j'ai éprouvées se sont peut-être jouées de moi... Viens avec moi, Della... Il faut que tu viennes, lui dis-je en lui prenant les mains. Ma mère est forte, elle ne mourra pas. Elle ne peut pas encore mourir.

Elle me regarde encore quelques secondes, avant d'acquiescer en soupirant. Je n'attends pas plus longtemps et je la conduis avec moi jusqu'à l'autre palais. Tout en marchant, j'essaie de me convaincre que je rêve. Que maman est vivante, et que je n'ai qu'à tuer le roi pour les sauver, elle et Della. Les seules personnes auxquelles je tiens.

- Nous sommes là, murmuré-je.

La même lourdeur, la même obscurité, le même sentiment pesant. J'essaie de m'en débarrasser et je retourne dans la chambre de ma mère avec Della. Je m'assure que Della va bien et j'ouvre la porte.

- Elle dort... dis-je, le ton bas, en regardant son corps allongé sur le sol.

Della retire sa main de la mienne et s'avance devant moi. Elle marche lentement. Vraiment lentement. Je la regarde, mon cœur battant plus rapidement, il se remplit d'espoir que ce n'est pas encore la fin. Della s'agenouille devant ma mère, son expression est abasourdie.

- Azref... Est-ce ainsi que tu l'as laissée ? Dit-elle. Son visage était-il ainsi ?

Je fronce les sourcils et m'approche.

- Quel est le problème avec son visage ? Demandé-je.

Della se lève, toute bouleversée, et pose ses deux mains sur mes joues. Elle me regarde droit dans les yeux, et je sais ce qu'elle s'apprête à dire, pourtant mon esprit refuse de suivre.

- Elle est morte depuis des heures, dit-elle, les yeux remplis de larmes. Ce n'est pas le visage de quelqu'un qui vient de mourir. Tu ne le vois pas ?

Je regarde maman. Non... Elle a le visage le plus parfait et le plus beau qui soit. Elle a le visage d'un ange. J'ai déjà vu des cadavres... Elle n'est pas comme eux. Elle est... magnifique. Je l'aurais su si c'était le cas.

- Est-ce une blague que vous faites toutes les deux ? Lui demandé-je. Parce que ce n'est pas amusant. Pas amusant du tout. Dis-le, Della, ou ta haine pour moi te fait apprécier de me blesser ?

Elle me serre dans ses bras, comme si elle partageait ma peine, comme si cette peine ne lui était pas inconnue. Je reste immobile, incapable de bouger. Non. Ce n'est pas une blague. C'est la réalité. Maman est morte. Et je dois m'y faire.

- Je suis désolée... murmure-t-elle. Terriblement désolée.

Je ne pouvais lui dire adieu. J'avais le sentiment d'être au bord d'un abysse, et chaque personne qui m'était chers tombent dedans. Est-ce là une malédiction ?

- Il est temps de la laisser partir, Azref, me dit Della doucement. Tu le savais... son âme est partit longtemps avant elle.

Je le savais. Je savais que ce n'était qu'une question de temps avant que le corps ne suive. Mais j'ai naïvement et désespérément pensé que je pouvais faire revivre son âme. J'ai perdu ma maman il y a longtemps...

- Je vais tuer le roi... dis-je faiblement. Reste toujours à mes côtés, Della... tu es le dernier pilier, avant que je ne m'effondre complètement.

Je prononce ces mots, en l'entourant enfin de mes bras, la serrant contre moi. Si elle n'était pas là, je n'aurais pas survécu ce moment...

L'ombre écarlateWhere stories live. Discover now