L'ombre écarlate

101.

Della s'est endormie dans mes bras. Peu importe à quel point je tente de me convaincre que ce que je lui ai confessé était simplement sur le coup, que je ne le pense pas réellement... peu importe à quel point je me creuse l'esprit et le cœur pour une simple goutte de haine, tout ce que je vois c'est elle.

Elle seule.

J'aurais dû le comprendre à partir du moment où la voir blessée m'était plus insupportable que de perdre celui que je considérais être mon frère. J'aurais dû le comprendre à partir du moment où chaque fois que mes yeux se posent sur elle, je ressens cet étrange besoin de la posséder.

La petite cadette d'Inimia, celle qui depuis notre adolescence s'est fait connaître pour sa cruauté, son sang froid... et sa beauté inégalée.

Je soupire et me relève du lit. Elle s'est endormie tôt et devrait bientôt se réveiller, elle aura sûrement faim alors je me lève pour lui ramener un plat. Je la regarde une dernière fois avant de sortir de l'appartement.

Je m'approchais de la cuisine, lorsqu'une servante court vers moi, m'appelant. Je m'arrête, et lorsque mes yeux se posent sur elle, je fronce les sourcils.

- ... Que fais-tu là ? Ma mère !

- Votre Altesse, je ne sais pas ce qu'il se passe... le roi est revenu cette après-midi, il a visité la reine et nous a tous ordonné de nous en aller. Les gardes refusent de nous laisser nous approcher à nouveau du palais de la reine ! Me dit-elle en panique.

Je me fige. Père... lui a rendu visite à nouveau... après la fin des six mois qu'il m'a donné avec Della...

- Merde.

Sans plus attendre et dans la panique, je me mets à courir aussi vite que je pouvais à travers les couloirs, jusqu'au palais de ma mère. Je sentais que je n'allais pas assez vite, mon inquiétude ne cessant d'augmenter. Elle allait mieux avec Della, et elle est seule depuis seulement quelques heures, cela devrait aller... n'est-ce pas ?

Pitié. Pitié, Seigneur, fais que je n'arrive pas trop tard !

Et lorsque enfin j'arrive, je cesse de courir. J'ouvre les portes du palais en furie, mes pas ralentissant, tout ce que je pouvais entendre était mon cœur, tambourinant. Le silence... le silence est pesant. Effrayant.

Les couloirs étaient sombres, je pouvais trouver mon chemin cependant. Je respire fort, la peur s'emparant de mon être. Plus j'approche de la chambre, plus le seul bruit que je pouvais entendre était celui-là ; des craquements étranges.

Je prends une grande inspiration, et lorsque j'ouvre la porte de la chambre tout en priant, une vision d'horreur s'offre a moi. Le pire des cauchemars. Le bruit de craquement que j'entendais me devient immédiatement insupportable, voyant que cela venait du plafond.

- Maman... ?

Mon corps tremble violemment, mes pieds semblent s'enfoncer dans le sol. Je dois rêver. L'image de cette magnifique femme se tournant vers moi en souriant, ses yeux pleins d'amour, lorsque je l'appelais se fait remplacer par cette vision...

Le corps de maman pendu.

Sans même m'en rendre compte, mes jambes couraient et me guidaient seul vers elle. Je ne cessais de l'appeler, de nier ce que je voyais, alors que mes bras enroulent ses jambes. Je soulève son corps, afin de lui retirer la corde au cou.

- Maman... maman, je suis là ! Je suis revenu... dis-je en la posant au sol. Je t'en supplie, ouvre les yeux !

Son corps au sol, j'approche ma joue de ses lèvres, espérant sentir qu'une simple et faible respiration. Rien. Je vérifie son pouls. Rien. J'écoute son cœur, espérant sentir un battement... rien.

Joignant mes mains entre elles, je les pose sur sa poitrine, effectuant un mouvement de bas en haut, espérant la ramener à la vie.

- Maman, je suis la, je suis là ! Dis-je, en panique. Maman, ne t'en va pas... reste avec moi ! Ne me fais pas cela !

Rien.

Absolument rien.

- MAMAN ! Dis-je, mes mouvements devenant de plus en plus rapide.

La force de mes mouvements pouvait se sentir lorsque j'entends le craquement de ses os intérieurs. Les larmes perlaient dans mes yeux, je refusais de les laisser couler tant que je n'ai pas réussis à la ramener à la vie.

Mais enfin, je recule, comprenant que je ne peux plus rien faire. Une lettre sur le sofa attire mon attention, mais je n'avais aucune force de la lire. Je soigne les cheveux de ma maman, remarquant le petit sourire qu'elle arborait sur son visage.

Je tiens sa tête entre mes bras, pleurant à chaudes larmes.

- Ne pars pas, dis-je, pleurant comme un enfant. Je t'en supplie...

Les pleurs deviennent des sanglots. Le silence du lieu remplacé par les lamentations d'un fils venant de perdre sa mère. Serrer sa tête dans mes bras ne m'apportait que désespoir.

- Ouvre les yeux, je t'en supplie... Lève-toi, insulte moi, frappe moi ! Regarde... regarde, je te serre dans mes bras ! Lève-toi !

Mon esprit vacille entre déni, et acceptation. Elle est partie, je suis arrivé trop tard, je le sais... mais comment puis-je l'accepter ?

- AIDEZ-MOI ! M'écrié-je. JE VOUS EN SUPPLIE, AIDEZ-MOI ! ELLE NE PEUT PAS MOURIR !

J'avais réussie à la garder en vie. Pendant plusieurs années. Et maintenant... maintenant, je l'ai perdu. Définitivement. La personne pour laquelle je me suis le plus battue pour la garder en vie... je l'ai perdue. J'ai échoué.

Dans l'obscurité de la chambre, il n'y avait qu'elle et moi. Des années à m'occuper d'elle, espérant retrouver la mère que j'ai perdu dans mon enfance. Elle est partie, portant de l'averse dans son cœur envers moi... elle me détestait l'avoir gardé en vie, elle ne voulait pas savoir que je l'aimais tellement, terriblement, et la voir mourir m'est insupportable.

J'ai échoué. Je n'ai pas pu empêcher son destin, maman est partie, et moi avec.

Et il n'y a qu'un seul responsable.

Je me lève de ma place, laissant le corps froid de maman, et m'en vais du palais. Je m'avance, avec toute la rage et la souffrance du monde dans les yeux, et je n'espérais voir que la seule personne qui a causé tout cela. Le roi. Je m'approche alors de sa chambre privée, préparant mon arme à la main, m'apprêtant à enfin mettre une fin à sa pitoyable existence.