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Le cimetière est silencieux. Cela fait si longtemps que je ne me suis pas rendue là, pourtant j'ai l'impression de connaître chacun de ses recoins... seul un détail à changé dans ce paysage, un nouvel ajout, une nouvelle tombe.

Je m'en approche, lentement, mes pieds s'enfonçant lourdement dans la terre. Qu'ai-je ressentis en marchant sur ces mêmes terres, dans cet endroit même, après la mort de maman ? Tout m'était-il aussi sombre ? Avais-je cet espoir d'être interrompu par sa voix, quelque part autour de moi ?

Je ne m'en rappelle pas.

Freya était là. C'est ce dont je m'en rappelle. Freya, ma sœur, me tenant la main et me réconfortant, alors qu'elle aussi venait de perdre sa maman. Alors qu'elle aussi était une enfant.

Mes cheveux volant au vent, ma robe noire suivant le mouvement, je me tenais là, devant elle. Devant sa tombe. Mes yeux ne quittaient pas l'écriture sur sa pierre tombale ; Freya Avalorn. Je reste silencieuse, figée, ne sachant comment agir, quoi dire.

Autour de moi, je voyais des souvenirs vivants, de nous sous une pluie battante, et seules. Le jour où Freya a abandonné son enfance pour devenir ma seule et dernière figure maternelle. Le jour où elle a compris bien avant que moi qu'elle n'avait plus que moi, et je n'avais plus qu'elle.

Papa était là, évidemment... mais nous deux, c'était différent. Papa était un adulte, la mort de maman, la femme qu'il aimait résonnait plus en lui. Il comprenait la mort, nous... nous ne venions que de l'apprendre. Et en plus de son rôle de roi, il avait très de peu de temps pour lui.

- La guerre est terminée, Freya, dis-je doucement. J'y ai mis fin.

Le silence soufflait plus fortement que d'habitude, pour autant, le soleil ne se cachait pas.

- Je dois sûrement me confesser désormais, dis-je. Je déteste la pluie, je l'ai toujours détestée. Je prétendais l'aimer pour toi. Être avec toi était si précieux que jouer dans la pluie devenait un plaisir.

Je me faisais ensuite battre par Madame pour avoir salie mes vêtements, mais j'endurais... et puis je retournais dehors le jour d'après.

Ma vision se brouille, je lève les yeux vers le haut, empêchant mes larmes de couler. Je veux pleurer, je veux hurler, je veux creuser la terre de mes propres mains pour retrouver ma sœur et la serrer dans mes bras, rien qu'une dernière fois, cependant je n'y arrive pas.

Tout ce qui sort de moi ne sont que des sortes de renifflements étouffés.

- Freya, dis-je, ma voix se brisant peu à peu. J'ai vraiment besoin d'un câlin, s'il te plaît. Prends moi dans tes bras.

Je m'agenouille au sol, puis lentement pose ma tête sur la terre, m'allongeant à ses côtés, amenant mes jambes à ma poitrine.

- Je le sais, je suis une mauvaise sœur et une mauvaise personne... tu es en colère contre moi ? S'il te plaît, ne sois pas en colère. S'il te plaît, ne m'ignore pas. J'ai vraiment vraiment besoin de toi.

Le silence est pesant. Lourd. Blessant. Je sens mon âme se fracturer peu à peu, comme un verre fragile.

- Je veux te parler de lui, grande sœur, dis-je faiblement. Mais...

Mon bras serre ce qu'il peut de sa tombe. Je ferme les yeux, l'imaginant à mes côtés, me caressant les cheveux. Cette imagination m'est si réaliste que je me suis perdue dedans.

- Mais son père est ton meurtrier, dis-je doucement, ouvrant les yeux lentement, réalisant.

Enfin, la larme que je tentais de contenir me lâche et coule jusqu'à se déverser sur le sol. Une chose se brise en moi. Peu m'importe ce que cela est, ce qui m'importe est que mes émotions se dégèlent lentement.

L'ombre écarlateWhere stories live. Discover now