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Nous sommes retournés au palais, et Sardor m'a escorté jusqu'à mon appartement. Bien heureusement, Azref n'est pas encore là.

- Je rédigerai un rapport pour son Altesse, me prévient Sardor. N'avez-vous rien d'autre à ajouter ?

Je secoue ma tête, répondant à la négative. Sardor m'a prévenu qu'elle nous enverra un messager lorsqu'elle aura des nouvelles pour nous. Si seulement je pouvais la voir seule, et la prévenir contre Sardor. Cependant, cela me conduirait à leur révéler tous mes plans.

Et je ne peux pas prendre le risque.

- Penses-tu qu'elle mordra à l'hameçon ? Demandé-je à Sardor.

- Si elle cache quelque chose, bien évidemment. Me répond-il. Leur loyauté pour Inimia dépasse tout entendement.

Je hoche la tête. S'ils sont loyaux, pour commencer. La fin de cette affaire m'est imprévisible, et cela me perturbe. Je dois tout faire pour que les tunnels souterrains ne soient jamais découvert. Et si Dame Luzia compte parler, je n'aurais d'autres choix que de mettre fin à sa vie... espérons que je n'ai pas à en résulter.

Cependant, mes pensées ne peuvent s'écarter d'une chose ; de ma famille. Bientôt, ils sauront que je suis en vie. J'espère que cette nouvelle réconfortera leur cœur...

- J'ai bien fais de te croiser, Della.

Je tourne la tête, Azref vient d'arriver. Drapé dans une cape, il tient une cage dans une main. Sans doute est-il allé faire un tour hors des murs du palais. Je ne souhaitais pas le revoir pour le moment, mais que dire ? Il est toujours présent aux pires moments.

- Je vais vous laisser, vos Altesses, dit Sardor.

Il s'éclipse, et je n'attends pas qu'Azref franchisse le seuil pour me diriger vers l'appartement. Il me suit, sa curieuse trouvaille toujours en main.

- J'ai amené une surprise pour toi, dit-il.

- En quel honneur ?

Il ouvre la cage, en extrait un chaton. Une adorable boule de poils blanche, aux yeux azur d'une pureté cristalline. Mon visage se détend et s'adoucit instinctivement face à cette minuscule créature.

- Elle se nomme Freya.

Je me fige. Ne laisse rien transparaître. Contrôle-toi, Della.

Je me tourne, tendant les mains afin d'ouvrir les fenêtres et profitant d'être dos à lui pour laisser mon visage exprimer le choc et la confusion. Je dois me calmer. Ce n'est qu'une coïncidence. Il n'y a aucun moyen pour lui de savoir qui est Freya... n'est-ce pas ?

- Je n'aime pas ce nom, dis-je, sans émotions.

- Il est trop tard pour changer de noms, me répond-il. Le chaton n'est obéissant qu'avec ce nom.

Je prends une grande inspiration discrètement puis me tourne à nouveau vers lui. Je ne devrais pas insister afin ne pas éveiller ses soupçons.

- Bien. Merci pour le cadeau, dis-je en me baissant à la hauteur du chaton.

La couleur des poils de la petite créature rappellent étrangement les cheveux de ma sœur. Bien que nous ayons tous les cheveux argentés, ceux de ma sœur sont un peu plus clairs que les miens, se rapprochant d'un blanc pur et ses yeux sont d'un bleu profond. J'ai toujours aimé comparer ses yeux à la mer.

- Je te laisse avec elle, dans ce cas, me dit Azref. Je dois me rendre dans une autre partie du palais.

Je hoche la tête, et il s'en va rapidement. Je fronce les sourcils, pourquoi est-il aussi pressé ?

Le chaton se met à miauler, attirant mon attention. Je la prends dans mes bras, et m'assois sur le sofa, la posant sur mes jambes. Elle est docile. Elle réagit positivement à mes caresses.

Je tourne la tête vers la fenêtre lorsque je me mets à légèrement renifler. L'air est frais, mais pas au point de me faire tomber malade, pas au point de me faire attraper un rhume. Et cela s'en suit avec des picotements des yeux.

- Oh.

Mes mains se dirigent vers mon visage instinctivement, et je remarque que mes yeux sont trempés. Le chaton me regarde, m'étant arrêtée de la caresser.

- Freya...

Je le déteste. Je le déteste tellement tellement tellement. Mon cœur se remplie de sa haine de plus en plus, de jour en jour. Chaque fois que je pense que mon cœur ne peut en contenir plus, chaque fois, il me prouve le contraire.

Je replie mes jambes contre ma poitrine, serrant le chaton dans mes bras. Elle me donne une sensation de douce chaleur, de familiarité. Son museau caresse légèrement mon visage, sa langue sèche mes larmes, me faisant comprendre qu'elle m'a acceptée.

Je suis devenue la famille de ce petit chaton, cet adorable être qui ne me fait penser qu'à ma sœur. Je cherchais un allié sur qui compter, mais en l'espace d'un instant, je me suis trouvé un véritable compagnon, un support, un soutient émotionnel peut-être aussi.

- Elle me manque, murmuré-je en pleurant.

Les mots sont prononcés, les pensées sont mises à nue. Je m'étais refusé à les exprimer pour mener à bien ma mission, mais je désire ardemment la revoir. Ma sœur. Mon pilier. Les nouvelles d'aujourd'hui apprises chez Dame Luzia me rendent plus vulnérable que jamais. 

Azref aurait-il découvert le nom de ma sœur ?

L'aurait-il vu ?

Si les deux réponses sont positives... mon ventre se noue. Cela veut dire qu'elle est en danger. Si Azref la trouve, elle n'aura pas la mémoire perdue, il ne l'utilisera pas, il ne la prendra pas en pitié, il ne l'épousera pas et ne l'épargnera pas.

Mon regard se baisse sur le petit chaton qui n'a pas protesté, ne s'est pas débattu de mes bras.

- Tu le ressens toi aussi, n'est-ce pas ? Dis-je doucement. Tu ressens ma peine.

Je caresse son visage et elle se met à ronronner.

- Je prendrais soin de toi, Freya... murmuré-je. Et tant que ma sœur vivra, tu vivras aussi.

Je sèche mes larmes qui avaient accidentellement coulées. Peut-être qu'il a connu son nom, d'une manière ou d'une autre, et c'est encore un test de sa part. Je ne dois rien laisser transparaître et chérir le cadeau qu'il m'a offert.

Malgré le fait qu'elle me manque, elle et mon père, et que je me hâte de les revoir... je ne laisserais pas Azref utiliser ma famille contre moi. Jamais.

L'ombre écarlateWhere stories live. Discover now