Le rôle de ma vie...

2. Eden (2)

À 19 h, je perçois le gong de l'horloge comme une délivrance. J'ai été médiocre cet après-midi, et Brian ne s'est pas gêné pour me le confirmer ! Je me hisse péniblement hors de la voiture, la clé de contact m'échappe. La route et les trottoirs sont gorgés d'eau et je me sens frigorifiée. Bizarrement, ce soir, j'aime un peu moins Vancouver que ce matin. Je cours jusqu'au bar music où les notes m'accueillent les bras ouverts. Un sourire s'incruste sur mes traits et la chaleur se diffuse lentement au travers de mon corps gelé. Mon regard de lynx scanne rapidement l'endroit, et tombe sur Hailey, qui me fait signe de la main. Je me précipite vers elle, avant de franchement grimacer. Cameron se trouve à ses côtés, et la tablée me fixe de façon insistante. La plupart des personnes présentes retient clairement un sourire, tandis que je m'affale aux côtés de mon amie. Si Hailey est ma colocataire et aussi ma meilleure amie, le fait qu'elle soit apparentée à Cameron est nettement moins drôle !

Assis côte à côte, nul ne peut douter de leur ressemblance. La malice qui se reflète dans le regard pétillant et ténébreux d'Hailey n'a d'égal que celle de Cameron, et leur couleur ébène est si intense qu'on pourrait y sombrer. Même si ça m'en coûte de l'avouer, leurs traits sont si parfaits qu'ils en deviennent envoûtants pour les simples mortels. La chevelure d'Hailey descend en cascade sur ses épaules, et rappelle la couleur sombre de ses iris noirs mêlés d'argenté. Mais si ma colocataire transpire la bienveillance, son versant masculin en revanche, n'est qu'un abruti égocentrique et égoïste.

— J'imagine que tout le monde est déjà au courant ?

La table entière hoche la tête et je me sens mortifiée. Eliott, qui joue également dans la série, se marre sans discrétion, tandis que ma colocataire le frappe derrière la tête. Kate, ma meilleure amie dans Déviants, lui adresse un regard sévère et à moi un sourire compatissant. Trentenaire qui a l'air d'avoir vingt ans, la jeune hispanique sort rarement avec nous, et pour cause, elle vient d'être maman, rôle qui lui va comme un gant et qu'elle pratique à merveille avec nous depuis des mois !

— Aller, demain tout le monde aura oublié, essaie de me rassurer Hailey.

— Ou pas, la contredit Lane, le meilleur ami de Cameron, alors que celui-ci me regarde avec son sourire narquois.

Lane est un ami d'enfance des Williams. Ils ont toujours vécu à Vancouver, et m'ont intégrée dans leur petit cercle dès le départ, lorsque je suis arrivée il y a un presque 2 ans. Et rien que cet accueil me permet d'endurer la présence de l'autre abruti. Alors, je prends sur moi parce que je le vois sacrément souvent, que ce soit au boulot et en dehors, et parce que je sais à quel point il est attaché à sa sœur, protecteur aussi, trop même...

— Tu sais que je te déteste Cameron, n'est-ce pas ?

— Et tu sais à quel point ça me fait plaisir, Princesse, n'est-ce pas ? singe-t-il.

Je souffle à plusieurs reprises, sentant mon calme s'évaporer. Il sait à quel point je déteste ce surnom stupide. Alors, je laisse mon esprit vagabonder vers la musique pop. Chaque vendredi, un groupe du coin agrémente l'esprit décontracté du bar. Les conversations reprennent, mes doigts de pieds tapotent le sol, et j'en oublie presque la présence de Cameron pour le reste de la soirée. Vers 22 h, mon portable se met à vibrer frénétiquement. Un coup d'œil rapide m'indique que c'est Alex qui a cherché à me joindre. Merde. Je devais le retrouver à l'appartement après avoir pris un verre avec Hailey, et j'ai complètement zappé. Je sors du bar, et le rappelle. Je sens d'office à sa voix qu'il est agacé.

— Ne me dis pas que tu es encore au bar ?

— Désolée, je n'ai pas vu l'heure. Tu aurais pu me rejoindre...

Je tente la diplomatie, mais je sais d'ores et déjà ce que Alex va me répondre : il n'apprécie pas du tout mes amis. Et si moi, je fais un effort avec Cameron, lui, s'en contrefiche. Et c'est là tout le problème.

— Je ne vois pas pourquoi tu traînes avec eux !

Bingo !

Au hasard... parce que je les aime ?

— Je te rejoins dans vingt minutes.

— Je suis crevé Ed, me dit-il d'un ton radouci. Je t'attends au lit !

Je soupire doucement, je crois que j'aurais préféré me lover dans mon propre lit, ce soir, plutôt que de rejoindre mon copain...

— D'accord...

— Je t'aime Eden !

— Moi aussi !

Je raccroche, ravie qu'il ne m'en tienne pas rigueur. On a beau n'avoir que cinq ans d'écart – moi 22, lui 27 – j'ai parfois l'impression qu'il y a un conflit de génération entre nous ! Même s'il aime la fête, Alex est calme, posé, un roc sur lequel je me repose sans scrupules. Il est celui dont j'avais besoin dans ma vie, et notre relation est suffisamment stable pour que j'entrevoie un avenir radieux devant nous. Je m'apprête à retourner dans le café lorsque j'aperçois Cameron, appuyé contre la devanture, une cigarette entre les lèvres.

— Tu m'espionnes ? demandé-je, excédée par sa présence.

— Tu as l'air... frustrée. Je porte sans doute trop de vêtements à ton goût ? me nargue-t-il.

— Lâche-moi avec ça ! Qu'est-ce que tu as envie d'entendre pour me foutre la paix ? Que tu es un dieu du sexe, que je rêve de toi toutes les nuits, que tu enflammes ma petite culotte ?

Le regard de l'acteur s'assombrit et glisse sur mon corps de façon plutôt suggestive, pour mieux me laisser à court de mots. Sûr de lui, il attrape mon bras et inverse nos positions. Je me retrouve dos au mur, tandis qu'il me surplombe de toute sa stature. Et étrangement, sa proximité m'intimide, me dérange, tandis qu'il se rapproche bien trop près.

— C'est déjà le cas, non ? Je suis certain que depuis ta petite entrée en scène de tout à l'heure, tu ne rêves que d'une chose : que je t'offre le plus bel orgasme de ta vie...

Mon cœur loupe un battement avant d'accélérer la cadence. Je ne devrais pas le laisser me décontenancer, mais mes yeux semblent avoir leur propre vie et se baissent comme par enchantement.

— Prétentieux, murmuré-je pour ne pas lui laisser le dernier mot.

— Tu es si prude, souffle-t-il près de ma bouche.

Il me maintient au mur d'une main sur la taille, tandis qu'il repousse une de mes mèches pour s'approcher de mon oreille.

— Dommage que tu ne me fasses aucun effet !

Je reprends le contrôle de mon corps et le repousse brutalement, cependant mon regard est happé par un flash sur la droite. Cameron fronce les sourcils et fonce sur l'opportun, qui déguerpit sans demander son reste.

— Il a filé, ça devait être un paparazzi, m'indique-t-il sans que le pli soucieux de son front ne s'estompe.

— Brian ne va pas aimer...

— Ça, c'est sûr...

***

Petit chapitre, mais pleins d'infos !

Cameron et Eden se cherchent beaucoup, et se trouvent aussi, parfois ^^

J'espère que ce début vous plaît !