5. Cameron (2)

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Je frappe à la porte pour la 2ème fois en trois jours dans le but de parler à Eden, et non à ma sœur. Est-elle là d'ailleurs ? Comment va-t-elle se comporter envers moi ? Ça risque de jeter un froid. En même temps, je préfère qu'elle soit à l'appartement plutôt qu'avec Lane. Perdu dans mes réflexions, je sursaute lorsque la porte s'ouvre. La remarque pleine de sarcasmes qui était prête à surgir s'efface en même temps que mon sourire en coin lorsqu'apparaît Eden. Des larmes inondent ses joues et sillonne son doux visage en laissant des traces noires de maquillage. Mon cœur rate un battement, je me sens démuni face à sa détresse.

— Tout va bien ? demandé-je bêtement avant de me ressaisir. Évidemment que non. Oublie.

Eden fait demi-tour et laisse la porte entrouverte, ce que je prends pour une invitation à entrer. Je frotte mes mains contre mon jean, un peu gêné, et la suis jusque la cuisine.

— Désolée, je... je...

La jeune femme se mord la lèvre pour retenir ses sanglots.

— Écoute Eden, je ne sais pas ce qui t'arrive, et je ne te poserai pas de question si tu n'as pas envie d'en parler. Enfin, juste une seule, mais elle est importante.

Je la dévisage d'un air grave, inspire profondément. J'appréhende la réponse. Puis je me lance :

— Est-ce que quelqu'un t'a fait du mal ? Physiquement ?

Elle secoue la tête sans une once d'hésitation, et je m'autorise à respirer plus calmement, soulagé.

— OK, très bien, soufflé-je en m'approchant d'elle comme on approche d'un animal sauvage : avec précautions. J'ai plusieurs années d'expérience en calins de grand frère grâce à Hailey, et je suis plutôt doué pour ça. Alors ça ne sortira pas d'ici, mais ce soir, je t'autorise à mouiller mon t-shirt autant que tu le souhaites. Demain, on continuera de se chamailler.

Je l'attire à moi et elle se laisse faire sans opposer de résistance. Je crois même percevoir un léger rire entre deux sanglots. Elle s'accroche à ma nuque et plonge son nez gracile dans mon cou. Elle a l'odeur de la fleur d'oranger, mélangé à la fraise et à toutes sortes de fruits rouges. Et je ne sais pas pourquoi, mais j'aime ça. Ça me rappelle vaguement les crêpes que me cuisinaient ma grand-mère.

Je plaque une main contre son crâne, et l'autre au creux de ses reins, pour la serrer plus étroitement contre moi, et je l'entends soupirer, puis se détendre. J'ignore combien de minutes s'écoulent sans qu'on se lâche, le silence uniquement entrecoupé de quelques reniflements, qui finissent par s'estomper.

Alors, Eden brise ce moment hors du temps. Elle se recule en se raclant la gorge, et regarde partout sauf dans ma direction. Ses cheveux humides collent à sa joue, les traces de maquillage s'étalent désormais partout sur son visage. Et moi, je n'ai qu'une envie, la consoler. Ou la chambrer... Mon esprit a du mal à y voir clair entre ces deux envies...

— J'ai l'air aussi pathétique que je le pense ? demande-t-elle timidement.

— Je ne sais pas, je suis en train d'essorer mon t-shirt. T'y es pas allée de main morte putain !

Elle se cache entre ses mains, morte de honte quand elle aperçoit les taches de maquillage qui maculent ma chemise blanche.

— Je t'en paierai une autre. Désolée...

— C'est bon Eden, je plaisantais, t'inquiètes. Tu veux en parler ou tu préfères me mettre dehors ?

Nos deux téléphones vibrent en même temps, et je vois les traits d'Eden se décomposer lorsqu'elle prend connaissance de la notification. La curiosité me pousse à sortir le mien et à lire. Je parcours l'article et grimace :

« Cette fois-ci, plus de doute, l'actrice Eden Jones n'est définitivement plus en couple avec le fils de l'honorable Juge Adams. Si #Cameden a conquis les fans, il semble que Alex Adams ne soit pas en reste. Il a été photographié avec le mannequin... »

Je zappe le reste de l'article et me concentre sur la photo. Le petit ami – peut-on encore le qualifier de tel ? – embrasse à pleine bouche la jeune femme qui était au bar avec lui l'autre soir. Et si doutes il devait encore y avoir, elle est à moitié à poils.

— C'est un connard.

— On nous a photographiés aussi. Il a peut-être voulu se venger ?

— Sauf que nous, on ne s'embrassait pas. Tu ne vas pas défendre cet abruti ?

Ses yeux se remplissent à nouveau de larmes. Voilà pourquoi je refuse de tomber amoureux. L'amour, c'est qu'une source d'emmerdes monumentale.

Eden s'approche de la fenêtre et s'installe dans le vieux rocking chair qu'Hailey a dégoté dans une vieille brocante. Ce truc n'a l'air de rien, il est démodé, défraichi et, avouons le, super moche. Pourtant, ma sœur n'arrive pas à s'en séparer...

Je l'observe à la dérobée, perdue dans ses pensées. Le reflet de la lune danse dans ses boucles blondes et les rende irréelles. Son téléphone se met cette fois à sonner, elle se tourne alors vers moi et nos regards s'accrochent. Puis elle jette un coup d'œil rapide à l'écran et ferme les yeux, ses traits s'étant instantanément durcis.

Par reflexe, je la rejoins et pose ma main sur celle d'Eden pour transmettre toute la chaleur possible dans ce simple geste. Elle a l'air tellement démunie, que je ne peux me résoudre à me comporter avec elle comme le connard habituel.

— Le premier tweet est tombé il y a deux heures. Depuis, Alex n'arrête pas de m'appeler. Mais je n'ai rien à lui dire. Je ne suis pas en état...

La sonnerie du téléphone stoppe sans que j'ai prononcé la moindre parole. Mais il se remet à sonner. Dans l'impulsion du moment, j'avance la main vers le portable.

— Laisse-moi répondre.

Eden a l'air d'hésiter, puis elle me le tend de ses doigts tremblants.

— Allo ?


Le rôle de ma vie...Där berättelser lever. Upptäck nu